mercredi 17 avril 2024

L'Occitanie toute une Histoire de Pierre-Marie Terral




 

Enfile ta peau de bête et suis moi ! Dominant la vallée à 80 mètres de hauteur, la grotte que nous avons choisie nous permet de repérer les troupeaux qui viennent boire à la rivière : chevaux , mais aussi bœufs musqués , rennes, bisons, rhinocéros et même mammouths . Il y a environ 3 millions d'années vivait en Afrique , le premier ancêtre direct de l'homme, l'homo habilis ( homme habile ). L'homo sapiens ( l'homme sage ou moderne )est quand à lui apparu il y a 300 000 ans. C'est vers - 450 000 ans que vivait l'homme de Tautavel dont le crâne fut découvert en 1971 dans la grotte de l'Arago, près de Perpignan, c'est le plus ancien retrouvé en Europe. La viande du gibier je la mange crue et dégoulinante de sang, je mange aussi des fruits sauvages et des racines qui contiennent du sucre , je casse aussi les os pour manger la moelle qui se trouve à l'intérieur , que je racle avec mon biface, cet outil, je l'ai taillé dans la pierre grâce à lui je peux creuser , couper, voire frapper si je suis attaqué . Ce qui me fait le plus peur et me fascine à la fois c'est le feu qui tombe du ciel ! Il pourrait nous chauffer et nous éclairer la nuit si nous arrivons à l'attraper, mais hélas il finit toujours par s'éteindre !C'est vers 400 000 ans que l'humain a appris à domestiquer le feu, pour l'allumer, deux méthodes : soit par le frottement de deux bouts de bois, l'un tendre et l'autre dur, soit par percussion d'un silex et d'une pierre contenant du feu et du souffre, comme la marcasite et la pyrite . Pour la petite histoire, c'est en creusant un terrier de lapin en 1852, un certain Jean Baptiste Bonnemaison qui à découvert l'entrée de l'abri sous roche d'Aurignac (Haute Garonne) Les fouilles ont confirmé l'existence de l'homme préhistorique alors que l'église n'y croyait pas . Bien emmitouflé dans ma cape de peau de cerf , je pars à la pêche, ou plutôt à la chasse aux poissons, équipé de mon harpon taillé dans un os , entre les tentes du campement et la rivière, je passe devant l'entrée d'une grotte dans laquelle j'ai toujours peur d'entrer . Mais ce matin , l'envie de la découvrir est la plus forte ! Allez courage ! Me voilà dans une immense cavité où il fait noir, heureusement j'étais partie avec une lampe en pierre remplie de graisse. Alors ça te plaît , je sursaute , des yeux brillent dans le noir , ce sont ceux de l'homme qui me parle , " tu as représenté les bêtes que tu as tués ? " Non ce sont des animaux que je respecte le plus , les plus beaux , les plus grands , les plus forts ! " Des chevaux, des cerfs, des bisons, des bouquetins . Je vais te confier les recettes de mes couleurs , allume un feu tu obtiendras du charbon de bois qui donne le noir, pour faire du rouge prends un peu de terre ocre, d'eau et de graisse animale mélange les, et voilà c'est prêt  J'utilise un pinceau ou mes doigts pour peindre, parfois je mets de la peinture directement dans ma bouche et je crache sur la paroi , je suis un vrai artiste : je passe des heures à peindre , je joue aussi de la flûte avec un instrument creusé dans un os, je sculpte des statuettes, comme cette tête de cheval, je fais des colliers et des bracelets en pierre, mais aussi des vêtements comme cet épais manteau en fourrure et un pantalon en peau prolongé par mes chausses. On appelle " Magdaléniens" ces chasseurs cueilleurs vivant il y a 15 000 ans au Paléolithique  supérieur, qui ont laissé leurs traces dans les grottes de Niaux ( l'une des plus belles ornées d' Europe), de la Vache, du Mas d'Azil et de Bédeilhac en Ariège ou encore celle de Marsoulas en Haute Garonne. La perle noire de la Méditerranée  " ce sont mes ancêtres grecs qui ont fondé ma ville, le cap rocheux situé au-dessus de la mer ,qu'ils ont trouvé à l'embouchure leurs a tellement plu qu'ils ont fait naître Agathé Tyché ce nom signifie " Bonne chance " et cela a été de bonne augure : Agde est devenu l'un des ports de commerce les plus importants de toute le Méditerranée . Les bateaux viennent de Rome, de Grèce ils apportent l'huile d'olive , le vin. La cité est construite avec de la pierre volcanique du Mont-Saint-Loup . Plus loin Narbonne, première fille de Rome, nous sommes fiers que Narbo Martius  soit la première colonie romaine fondée hors d'Italie. Son nom fait référence à l'eau qui l'entoure et à Mars, dieu de la guerre romain, qui en est devenu le protecteur . A Narbonne sur la place de l'hôtel de ville, on remarque des vestiges de la voie Domitienne, c'est là que la cité est née , si la plupart des monuments ne sont plus visibles, le musée Narboria présente une spectaculaire collections de 760 blocs de pierre ! Ils sont fous , ces Romains ! Avec ce pont colossal, ils veulent faire passer des charrettes dans le ciel ! C'est le pont romain le plus important 49 mètres de haut, 3 niveaux et 360 mètres de long; 50 000 tonnes de pierres ont été nécessaires à sa construction ! Le mot  "aqueduc " vient du latin , " caquas " eau et " ducere" conduire . Les Romains étaient des fabuleux architectes , le pont du Gard , la maison Carrée de Nîmes et la beauté et la symétrie parfaite des arènes, amphithéâtre bâti à la fin du 1er siècle en témoigne . A Contatomagos  ( Millau ) dans le sud de la Gaule , c'est le plus grand site de fabrication de poteries de tout l'empire Romain , pour faire de la céramique, nous avons besoin de trois matières que la nature nous fournit ici en abondance : l'argile, cette terre qui devient rouge à la cuisson, le bois de pin des forêts voisines pour alimenter les fours et l'eau des rivières. A Millau ( Aveyron) le site archéologique se visite ainsi que le musée où est exposées les plus belles poteries gallo-romaines . Chassez de leurs terre par Clovis , les Wisigoths Tolosa est devenue leur propre pays ce sont les invasions, l'entrée de l'empire Romain. Le roi Clovis remporte en 507 la bataille Vouillé ou le roi Alaric II est tué . Le royaume des Francs s'agrandit au sud , mettant fin à celui des Wisigoths  dont Toulouse était la capitale depuis près d'un siècle. C'est grâce à leur crâne allongé à l'arrière et aux magnifiques bijoux portés par les femmes que les archéologues ont su qu'ils avaient découvert des tombes Wisigoths à Seynes ( Haute Garonne) en 2018 . En 1O95 le pape Urbain II appelle les nobles d'Occident à reconquérir les lieux saints de Jérusalem pris par les musulmans : ce sera la première croisade. Plus de 150 000 personnes prennent le départ en 1096 pour un trajet de 5 000 kilomètres jusqu'à Jérusalem " Croisés" le nom vient de la croix cousue sur les vêtements de ceux qui participent à cette expédition. Visiter la cathédrale de Saint-Bertrand de Comminges , c'est découvrir des choses incroyables ! On peut y voir  un crocodile empaillé rapporté en cadeau de Terre Sainte par un pèlerin voulant remercier Dieu d'en être revenu en vie . Fils du seigneur de l'Isle Jourdain, en Gascogne ' Gers ) et cousin et comtes de Toulouse , Bertrand de Comminges avait un destin tracé à la pointe de l'épée: il avait été élevé pour devenir  chevalier ; mais le jeune  homme a tourné le dos à la carrière des armes et est devenu religieux, au service de l'évêque de Toulouse. Le village de Conques est situé à l'écart de tout, mais c'est une étape importante sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle; elle est incontournable pour les pèlerins car elle détient des reliques, des vêtements ou des os du corps d'un saint . Vers 1140, un religieux Français Aymeric Picard a écrit le premier guide touristique ; son Guide du Pèlerin décrit tout l'itinéraire jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle et prévoit que le pèlerin parcoure 35 kilomètres par jour, le double s'il est à cheval. Si les Templiers se sont installés ici, sur le plateau du Larzac, c'est qu'ils peuvent facilement rejoindre les ports de la Méditerranée , lieu de départ de la Terre Sainte, Là bas, ils protègent les pèlerins catholiques qui se rendent à Jérusalem sur le tombeau du Christ et se font payer pour garder leur argent en sécurité . Le roi de France Philippe IV le Bel, qui leur doit beaucoup d'argent, fait arrêter tous les Templiers , le vendredi 13 octobre 1307 et les condamne au bûcher. De nos jours certains passionnés cherchent encore le trésor des  Templiers, mais nul ne sait s'il existe vraiment . Au XII siècle la croyance dite , " cathare" née en Europe de l' Est, se diffuse dans le Midi ; condamnée par l' Eglise Catholique , Simon de Montfort lutteras s'en répit contre les cathares, jusqu'à sa mort en 1218 devant les remparts de Toulouse . En 1226 dix sept ans après la croisade des Albigeois, Carcassonne est rattaché au royaume de France .Avec sa surface de 10 hectares et ses 52 tours, c'est la plus grande cité du Moyen Age en Europe , aujourd'hui 4 millions de personnes découvrent Carcassonne chaque année, c'est l'un des site les plus visités de France . né en 1214 Louis IX dit Saint-Louis a régné de 1226 à 1270 c'est lui qui a décidé de créer le pont d' Aigues Mortes " les eaux mortes du marais "Au XII et XIII siècles, l'Europe connaît un mouvement des créations des villes, partout les habitants quittent les campagnes pour s'y installer.  Dans le sud du royaume de France, on construit des bastides villes fortifiées aux plan géométrique. Sur 300 villes nouvelles  fondées en France à cette époque , plus de 50 le sont par Alphonse de Poitiers marié avec la fille du Conte de Toulouse à sa mort  en 1271, le Midi est rattaché au royaume de France.  "attendre 107 ans " l'expression viendrait selon la légende de la construction de la cathédrale Notre Dame de Paris débutée en 1163 et terminé en 1270 , soit 107 ans plus tard ; celle de Sainte Cécile d'Albi n'a duré que " 101 ans" entre 1283 et 1383 déjà pas mal non ? elle est la plus grande d'Europe peinte avec près de 20 000 mètres carrés de fresques ! Gui de Clauliac né en 1298 est l'un des plus grand chirurgien du Moyen Age il était fils de paysan en Lozère et été très doué pour apprendre et savoir soigner déjà très jeune avec des plantes et remettre des os en place, c'est ainsi qu'une reconnaissante épouse de seigneur lui a permis de partir étudier à Montpellier dont l'hôpital porte son nom aujourd'hui ; il connaît la plus terrible des épidémies sur toute l'Europe on l'appelait " la grande mortalité" son vrai nom la peste ! transmise par les puces des rats elle a causé la mort de 25 millions de personnes . Fébus en avant ! c'est mon cri de guerre, le territoire dont j'ai hérité était coupé en deux parties , Foix où je suis né, et le Béarn , plus à l'Ouest où j'ai vécu ensuite , j'ai remporté plusieurs batailles, j'ai réussi à unifier mes territoires , maintenant je peux aller de Foix à Pau en restant sur mes terres , je suis le prince des Pyrénées , j'adore mes montagnes, les animaux , j'ai fait illustré " Le Livre de la Chasse" par un copiste , qui aujourd'hui encore passionne ,pour ces animaux des Pyrénées du Moyen Age ,Gaston Fébus trouva la mort en 1391 , suite à une très longue chasse à l'ours. Pierre de Cheverny " j'ai voulu profiter de ce nouvel art de vivre en Italie, la Renaissance , en 1579 j'ai fait appel à un grand architecte Nicolas Bachelier il avait participé avec son père à la construction du solide pont Neuf de Toulouse, c'est vrai que j'ai des goût de luxe, je veux montrer à tous à quel point j'ai réussi , en faisant fortune dans le commerce du pastel une teinture naturelle bleue pour le tissu " le château de Lauré est un château fort défensif et résidence de loisirs conçu pour le plaisir de son propriétaire. On ne devrait jamais attaquer Montauban ! installé au château de Piquecos qui domine la ville , Louis XIII surveille les opérations, ses 20 000 soldats encerclent les fortifications de Montauban ; mais ce qu'ignorait notre bon Louis qui avait tout juste vingt ans, c'est que les habitants étaient déterminés à résister et s'y étaient préparés, la récolte avait été bonne, ils avaient entreposés beaucoup de vivres et rentré le bétail à l'intérieur des remparts, les hommes bien armés et même les femmes s'en étaient mêlées , Levez le siège ! l'ordre a été donné tôt le matin par le roi rouge de honte . " Jean petit qui danse "la chanson populaire a permis que le nom du chef des croquants soit oublié , a Villefranche de Rouergue après avoir découvert que les officiers qui collectaient l'impôt pour le roi en gardaient une partie pour eux . trois hommes ont appelé à la révolte Jean Petit , Guillaume Brasc et Bertrand Calmels , ces paysans révoltés qu'on appelaient croquants n'avaient pas d'armes, ils se défendaient avec leurs outils agricoles ; Petit et Brasc ont été condamnés  au supplice de la roue . Mon nom est Pierre Paul Riquet né à Béziers au début du XVII siècle, je suis chargé de collecter l'impôt sur le sel dans le Languedoc et le Roussillon ; j'ai présenté mon fabuleux projet à l'un des principaux ministres de Louis XIV, Colbert ,de créer un canal des Deux Mers permettant de faire communiquer l'Océan Atlantique à la Méditerranée , 1666 l'autorisation du roi à enfin permis de débuter les travaux ; hélas Pierre Paul Riquet meurt en 1680 sans avoir vu son canal achevé . Ce canal royal sera rebaptisé " Canal du Midi" pendant la Révolution de 1789 . Sébastien le Preste, duc de Vauban  (1633- 1707) a été cinquante deux ans au service du roi Louis XIV qui l'a nommé maréchal de France en 1703; tout le long de sa carrière d'architecte, il a construit ou agrandi plus de 180 forteresses . A la demande du roi, Vauban bâtit la place forte  de Mont-Louis en 1679 , d'autres constructions sont visibles dans les Pyrénées Orientales comme les forts de Collioure, d'Amélie les Bains et de Prats- de Mollo la Preste ou encore la forteresse de Salses. Durant le règne de Louis XIV , le royaume connaît vingt neuf ans de guerre principalement avec l'Espagne. Le traité des Pyrénées ( 1659) accorde le Roussillon et la Cerdagne à la France ; mais Llivia , un village espagnol a été oublié . De juillet 1702 à octobre 1704, 3000 protestants révoltés appelés " camisards" affrontent 30 000 soldats de Louis XIV qui veut que des catholiques dans son royaume " un roi une foi "ils sont nombreux à être emprisonnés dans la tour de Constance à Aigues-Mortes. Il faut attendre Louis XVI pour que la religion protestante soit accepté et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en 1789 pour que toutes les religions soient autorisés en France. En 1789, les Français sont divisés en trois groupes : la noblesse , le clergé ( les prêtres) et le tiers états ( tout le reste de la population ) entre les partisans et les opposants à cette Révolution la tension est vive . A Nîmes les 13, 14, 15 juin 1790 une vague de violence s'est abattue sur la ville; on l'a appelé " la bagarre de Nîmes ", les combats entre catholiques royaliste et protestants républicains qui se sont emparé de la municipalité ont fait 300 morts . Né à Figeac en 1790 et décédé en 1832 à l'âge de 42 ans, Jean-François Champollion est devenu le premier égyptologue du monde, reçu la légion d'honneur du roi Charles X ; a écrit une Grammaire égyptienne de sa passion pour le déchiffrage des hiéroglyphes . Il eut deux amours : Rosette sa chère pierre égyptienne et Rosine son épouse avec qui il a eu une fille prénommée Zoraïde .Tenant son nom de la maison des " Capitouls" élu du Conseil municipal de Toulouse dès le XII siècle la place du Capitole à plusieurs fois changé de nom dans 'histoire : place Régale à l'époque de Louis XIV, place de la Liberté pendant la Révolution ou encore place Impériale en l'honneur de Napoléon 1er . C'est en 1844 qu'elle à reçu le nom qui reste le sien aujourd'hui appelé Place du Capitole. Le pastel à fait la fortune de la région située entre Toulouse, Albi, Carcassonne. Formant un demi-cercle de plus de 4 kilomètres de diamètre le cirque de Gavarnie , dans les Hautes-Pyrénées, est un amphithéâtre naturel impressionnant , et au fond c'est le passage vers l'Espagne: on l'appelle brèche de Roland, car on dit que s'est en lançant son épée nommée Durandal que Roland, le neveu de Charlemagne a creusé cette trouée, alors qu'il appelait à l'aide lors de la bataille de Roncevaux en 728, les anciens disent qu'elle est large de 40 m et profonde de 70 mètres, un été  1842 deux hommes accompagnés d'un guide et de deux chasseurs d'isards ont réussi l'ascension de l'Aneto plus haut sommet des Pyrénées avec ses 3 404 mètres : il s'agit d'un certain Albert  Belhomme de Franqueville un normand et d'un russe Platon Tchikhatchor . Le marquis de Solages députés de Carmaux et patron de la mine de la ville , a renvoyé Jean Baptiste Calvignac , un ouvrier élu maire de la ville , car il avait d'autres idées politiques que les siennes ; les gueules noires font grève ! connaissant bien la vie des ouvriers, un jeune homme élégant portant barbe et chapeau prends la parole, il parle le patois, l'occitan et défends les ouvriers, dix longues semaines ont passés et ils ont gagnés grâce au courage de chacun, le propriétaire de la mine , le marquis de Solages a du démissionné de son mandat de député et c'est Jean Jaurès le fameux jeune homme qui l'a remplacé né en 1859 , il écrivait dans la Dépêche de Toulouse et à créer en 1904 l'Humanité, il a réussi à collecter de l'argent en 1895 partout en France pour créer une usine appartenant aux ouvriers : La verrerie ouvrière d'Albi , une mort tragique le 31 juillet 1914 au restaurant l'emportera , un certain Raoul Vilain lui tire dessus et le tue . Comme ceux de toute la France, les hommes du Midi sont mobilisés et partent rejoindre le front du nord et à l'est du pays. La bataille de Verdun dure du 21 février au 18 décembre 1916 ; il y a en moyenne 10000 par jours , entre 1914 et 1918 plus de 10 millions de soldats sont tués , dont environ 1,5 millions de Français. Dans le département de l'Aveyron , on compte 10 morts par jours soit 15 000 soldats tués au total  principalement des paysans. Plus de 4 millions de Français sont blessés . " La Der des Der" c'est comme cela que les Français de l'époque appelaient cette guerre, en espérant que ce soit le dernière des dernières ; mais vingt et un an plus tard, en  septembre 1939, une nouvelle guerre mondiale éclatait ... En 1890, Clément Ader, inventeur né à Muret ( Haute Garonne ) construit un engin à moteur et à hélice en forme de chauve-souris qui vole 50 mètres à une altitude de 20 centimètres ! C'est prometteur ! Au début du XX siècle , les exploits aéronautiques s'enchaînent : en 1909 le Français Louis Blériot réalise la première traversée de la Manche en avion , l'année suivante la Française Elisa Deroche est la première femme à obtenir son brevet de pilotage . Créer en 1918 , et prenant le nom de son fondateur Pierre Georges Latécoère ( 1883 1943 ) la société des lignes aériennes Latécoère est rebaptisée Compagnie de l' Aéropostale, avant de devenir Air France en 1933 . En juillet 1936 à 1939 la guerre d'Espagne oppose les Républicains aux militaires du général Franco , vainqueur celui-ci établit une dictature, un pouvoir politique dur et sans partage, jusqu'à sa mort en 1975 : 500 000 Espagnols ont fui leur pays en 1939 pour se réfugier en France. En Espagne on appelle cet exil " La Retirada " Aujourd'hui dans les Pyrénées Orientales, un habitant sur trois descend de ces personnes. Le mémorial de Rivesaltes situé sur le camp du même nom, raconte notamment l'histoire de la guerre et des exilés . En 1933, Adolf Hitler élu par les Allemands confisque tous les pouvoirs, ses idées et sa politique violente conduisent à la Seconde guerre Mondiale qui débute en septembre 1939 et dure jusqu'au 8 mai 1945 en Europe . Né en 1889, à Béziers Jean Moulin est nommé en 1937 préfet de l'Aveyron; il est le plus jeune de France ! dès le début de la guerre il rejoint la Résistance, arrêté et torturé par les nazis, il mourra le 8 juillet 1943 dans un train l'emmenant en Allemagne. En août 1942, l'archevêque de Toulouse , Jules Saliège fait lire dans les églises une lettre de protestation où il rappelle que " les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes" et ne doivent pas être maltraités , une position rare dans l'Eglise de France qui soutient majoritairement le maréchal Pétain . suite aux débarquements de Normandie et de Provence , la France est progressivement libérée de l'occupation nazie dès août 1944, c'est le cas de Toulouse puis de Montpellier trois jours plus tard. Ce sont en tout 13 départements qui composent l'Occitanie : Ariège, Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Hérault, Lot, Lozère, Pyrénées Orientales, Tarn et enfin Tarn et Garonne. Comme la région est vaste on ajoute à son nom " Pyrénées Méditerranée" Tu l' a compris je suis fière de l'Occitanie ! Parce qu'il y fait bon vivre, c'est la région qui accueille le plus de nouveaux habitants chaque année. De la ville à la campagne , de la montagne à la mer, ses paysages en font la quatrième région touristique française. C'est la deuxième région agricole de France par son étendue et la première pour le bio . Il y a tant de bons produits de la terre et de la mer à savourer : de la tielle sétoise, à l'aligot de l'Aubrac , du cassoulet, au roquefort . Avec ses sept parcs naturels régionaux  ( Haut Languedoc, Grandes Causses, Causses du Quercy, Narbonnaise, Pyrénées Catalanes, Pyrénées Ariégeoises et Aubrac) qui aident à faire vivre les campagnes et à préserver les paysages . Deux parcs nationaux, ceux des Cévennes et des Pyrénées, ils ont des missions plus importantes encore de conservation de la nature, et le parc naturel marin du Golfe du Lion, au large de l'Aude et des Pyrénées Orientales . J'en suis convaincue : Protéger la Terre et la Mer, c'est l' Essentiel !
 

mercredi 13 mars 2024

Avec les Fées de Sylvain Tesson




L'été commençait quand je partis chercher les fées sur la côte atlantique. Je ne crois pas à leur existence. Aucune fille libellule ne volette en  tutu au-dessus des fontaines .  Le monde s'est vidé de ses présences . Au XII siècle, les hommes cheminaient au milieu des visions Le mot fées signifie autre chose. C'est une qualité du réel révélée par une disposition du regard.  il y a une façon d'attraper le monde et d'y déceler le miracle . Le reflet revenu du soleil sur la mer, le froissement du vent dans les feuilles du hêtre, le sang sur la neige et la rosée perlant sur une fourrure de bête : là sont les fées. Puisque le jour venait se coucher ici, j'associais ce couloir de l'iode et de granit à la patrie des choses mortes ( les plus belles). Les fées avaient dû se réfugier dans ces extrémités, à la pliure de la terre, de la lumière, de la mer. Les promontoires de Galice , Bretagne, Cornouailles, Pays de Galles, de l'île de Man , de l'Irlande, de l'Ecosse dessinaient un arc. Par voie de mer j'allais relier les miettes de ce décryptage. Sur cette courbe,  on était certain de capter le surgissement merveilleux . Un voilier de quinze mètres de long m'attendait au port de Gijón . A bord deux amis Arnaud Human et Benoît Letttéron , préparaient l'appareillage. Nous naviguerions vers le nord, passant en revue les promontoires où de vieilles présences attendaient chaque soir , les adieux du soleil . Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d'y voir . Avec les fées . J'aime les nuits de départ. On se couche, on rêve, on regrette ce que l'on quitte. " Je vois des fées partout" avait écrit le poète Paul Fort . Quelle chance ! me disais je enfant . J'en rêvais moi aussi. Adulte, j'y renonçais , comprenant que la fée ne se rencontre pas . Elle se convoque, prenant le nom de tout moment où reculent le vacarme des hommes, la bêtise des chiffres . Ces heures devant le golfe de Gascogne, jambes dans le vide au-dessus du ressac à cinquante mètres en contre bas m'inspirèrent une " théorie de promontoire" Certes elle relevait de la géo psychologie de comptoir, mais j'aimais ce comptoir le bord d'une paroi devant la mer, l'exacte trigonométrie de l'iode du photon et de l'azote, la croisée du poulpe, de l'étoile et de l'araignée. Le promontoire recèle trois trésors :la promesse, le mémoire, la présence . On se tient au bout d'un cap de l'ouest, impatient de ce qui surgira ( la promesse) heureux de ce qui se tient dans le dos (la mémoire) et campé sur la falaise ( la présence )Au-dessous de la paroi, elle ancre la terre dans la mer. Les roches cristallines ou magnétiques ( schistes, basaltes, granits) résistent au ressac qui est la guerre du temps contre l'espace. le monde se défend de l'usure, le promontoire encaisse le choc. Parfois une aiguille oubliée se dresse face au lointain . Attaché à Saint-Malo , notre navire mesurait quarante neuf pieds , c'était un voilier breton tout blanc, de la facture la plus ordinaire, armé pour la navigation Hautière . On avait chargé le bord de livres, suffisamment pour tenir jusqu'aux Shetland , et retour. On tente toujours de faire de son bateau une bibliothèque flottante, on se persuade que les traversées laisseront loisir de rattraper les années de retard. A vrai dire au cours de ces semaines, nous trouvions plus d'utilité à surveiller les écueils qu'à plonger dans les études de Jean Markale . La navigation à la voile consiste à régler cap , allure et gîte pour parvenir à l'ataraxie . Idéalement quelques menus gestes suffisent. Le bateau fuse, l'équilibre règne, les axes s'ordonnent. la navigation à la voile réalisait le rêve d'Héraclite ! Libérer l'énergie de la conjonction des contraires. au départ tout s'oppose : le poids enfonce la coque, la poussée la relève, la gîte s'accroît , le vent adonne puis refuse, la mer freine, la vague entraîne, l'étrave frappe, soudain l'instrument s'accorde : Les tensions se résorbent, alors pour un instant, le marin demeure immobile jouissant de l'équation . En un endroit précis du bateau situé légèrement sous le pont convergent les forces , on appelle point vélique cette croisée des poussées, seul ce point est animé, il meut la masse .  Cette nuit là, j'étais de quart. Heures bénies: de 1heure à 4 heures du matin. La lune orange et molle coule derrière l'horizon, les étoiles scintillèrent, le cosmos avait été inventé pour que les marins ne se perdent pas. Quant tout marche, l'homme de quart barre en main , voiles réglées joue les statues. Je rêvais beaucoup . Pourquoi les fées de mon enfance avait elles brûlées ? La technique s'était du monde, les masses s'accroissaient, le commerce menait la danse. Partout bruit, raison, calcul, fureur . Les fées avaient reculé devant cette conjuration, elles s'étaient replié dans le silence. Nous atterrîmes à l'anse du Loc'h  , ouest de Primelin , côte sud , trois jours pour y parvenir depuis les Asturies . Je débarquai pour mon bivouac de promontoire dormir sur un balcon de l'Ouest assurerait il la réapparition des fées ? Je marchais trois heures, douze kilomètres jusqu'à la pointe du Raz. le Raz : je m'arrêtai sur le dernier rocher à l'extrémité de la pointe , avant la chute . L'herbe iodée faisait pour mon sac de couchage, un matelas élastique. Sur une vine de rocher, abrité du vent , j'étais aux loges. La lune versa dans la mer, les gréements blafards d'un voilier trouaient la nuit. Ce soir , définition du féerique . La fée !ce qui se mérite dans l'ordre de la beauté . Du Raz, je gagnai le promontoire de Caltel Meur  par la baie des trépassés et la Chapelle de Saint Thuy ; je marchais vif, le corps fouetté par la lumière. Sur le sentier breton, les chapelles sont semées. On poussait la porte pour trouver le repos de l'ombre , la foi bretonne sentait le sel , le cierge froid et la fibre de buis imbibé de larmes. On franchit le Raz de Sein au moteur et aux heures propices: l'étale de pleine mer, on glisse entre les écueils , les rochers moussaient, les heures glissent, fulgurantes et intenables quand on flotte sur l'eau . On quitte le quai des départs, on grimpe sur la passerelle , on pose le pied sur le pont, alors il vous semble avoir passé un porche vers un monde où ni le temps ni les hommes ne possèdent la même  essence , un bateau est une planète, ce qui s'y passe appartient à un ordre clos , secret. Le livre de bord consigne ce que le capitaine a bien voulu dire; seul le sillage connaît la vérité, il se referme aussitôt. Human et Benoît s'entretenaient de la façon de boire le whisky , chacun défendait sa manière, Benoît laissait les heures traverser son verre , Human se débarrassait cul sec de toute tentation . Human à vécu trente ans sur les bords du lac Baïkal et voyagé dans les confins de l'ancien, empire communiste . il connaissait mieux le Kamtchatka que sa Seine -Oise natale, de la Russie, il avait rapporté une façon de se satisfaire des choses persuadés que demain serait pire. Il parlait souvent de sa Sainte Russie, sainteté, et atrocités mêlées . A comparer, la Bretagne, paraissait tendre paradis pour enfants de confiseurs . Il l'aimait comme une seconde mère, sa Russie,  malgré la guerre qui brisait les rêves eurasiens . Human nous  confia, qu'il reviendrai au bord se son lac chéri , au Baïkal il s'inventerait une nouvelle vie, il n'y avait aucune autre rive sur laquelle il voulait mourir. Après tout on pouvait continuer à se montrer slavophile sans être russolâtre , et russisant sans vivre Kremlinophile . On débarqua Benoît et moi sur les falaises vers l'éperon de Lostmarc'h , l'éperon pénétrait le ressac. Comme la roche semble fière, fouettée de blanc ! La bruyère et le genêt adoucissaient ce combat. Un menhir de trois mètres, à la tête du promontoire parachevait l'ordomancement , ce paysage était parfait puisque intouché. La perfection c'est l'inamovible . Pourquoi avoir levé les pierres ? On touchait le menhir, on s'y adossait, on caressait cette chose pétrifiée , mais on ne savait rien . A l'aube, on accosta au port de Camaret sur Mer après avoir glissé entre les pois de Pen-Hir . La presqu'île de Crozon abrite le Centre parachutiste d'entraînement aux opérations maritimes. Le chef de corps m'avait invité à sa table, on fit des discours où il était question de l'audace et du génie amphibien . C'était le mode opératoire du chevalier des Touches, chef chouan du Cotentin à bord de sa barque indétectable. C'était la méthode des pilleurs de la côte Celte : débarquer, frapper, disparaître. C'était la technique des nageurs de combat : ils sortaient de l'onde, faisaient leur office et reprenaient la mer en essuyant leur lame sur leur manche. Je fais la même chose, mon colonel , mais sans risques , sans peine ni enjeu, j'accoste pour les fées, je repars dans le vent . A six heures du matin , on leva l'ancre pour traverser la rade de Brest, la plage de Corsent , Locméren , ou chapelle des naufragés se nichait au fond d'une vallée timide . Un bouquet d'arbres coiffait le petit vaisseau en pierre , il avait consolé bien des cœurs , on apercevait le large entre les ramures. En général, cela se passait ainsi : la mer prenait un homme. L'autel soutenait une veuve . Rejoignant le bord, je racontais mes journées de marche à Human et Benoît , ils me disaient leur navigation ;ils enviaient mes bivouacs, je regrettais d'avoir raté les manœuvres au bout du cap, on se consolaient en trinquant , le pont arrière faisait salon où l'on cause . Les îles sont des rêves, elles apparaissaient à l'horizon , elles disparaissaient .Benoît me débarqua au sud de St David's , dans un paysage de bocage" couper par les campagnes", je m'égarais dans les enclosures, , donnais dans les murets  et les herses de ronce . l'arthurisme  est une espérance, le Celte un homme de patience , chaque soir il voit le soleil mourir dans la mer et chaque matin revenir. Il sait que la houle bat , que la nuit ramène le jour, que la marée se retire et remonte .Sur le promontoire il attend . En deux jours nous naviguâmes  de Fishguard à l'île de Bardsey , contrairement à l'huitre , le ciel ne s'ouvre toujours pas, en Angleterre, le soleil est Dieu, on ne le voit pas il faut y croire. Le pays de Galles et son rang de châteaux nous avaient invités dans la monarchie de la beauté en équilibre sur les falaises. L'Irlande, en face sainte et meurtrie conservatoire de la celtitude , attendait nos dévotions , nous ne savions rien de son mystère . A Cork , dans un pub où les tables étaient blondes et le parquet très sombre, Human et Benoît vidèrent les pintes de goudron . Nous fêtions notre franchissement de la mer d'Irlande et du canal Saint-Georges. Sur une table, coincée près du comptoir , quatre musiciens donnaient des jigs et reels irlandais. Le cercle de pierre de Drombeg se constituaient de dix sept menhirs figés dans leur ronde , au premier millénaire avant le Christ on rendait ici un culte aux défunts . Le site était encore utilisé part des druides irréductibles au V siècle de notre ère. Dans ce monde incertain, les mégalithes devaient rassurer le poète en exil. Quelque chose durait ! Pour les cœurs brisés, les pierres exsudent une profonde amitié , on peut s'y appuyer . Mais de ces moments émanait un paradoxe , ces cercles exprimaient un mouvement et sa cessation. L'histoire de l'Irlande étaient une énumérations de guerres passaient cercles de pierres et tables dressées. Celle d'Altar , postée sur le rivage , avait trois milles ans. Paysage d'équerre : la ligne de la mer prolongeait le fil de la pierre couchée. Bivouaquons à la pointe des trois châteaux dit Human en jetant l'ancre au fond du fjord de Crookhaven . Laissant le bateau à la garde des phoques, nous marchâmes dix kilomètres, l'orage s'abattît, on continua  sous la grêle, quand on déboucha devant la ruine des "trois châteaux" un arc en ciel enjambait l'isthme . Sous la toile de tente je disais Aragon à Human et Benoît , les elfes étaient crevés, les hommes inconsolables." La fée a fui sans doute au fond de la fontaine et la fleur se fana qui chut de son corset " Ce soir là , à la pointe des trois châteaux, le merveilleux prit la couleur des nostalgies. Puis les dieux, c'est à dire les pressions atmosphériques furent avec nous. Du vent , dans un ciel clair : définition du bonheur pendant trois jours, la navigation fut une harpe réglée . dans la mythologie celte, le voyage dans l'autre monde, s'appartenait à la navigation en barque. Vers quoi vaguions nous ? Il fallut deux jours  pour atteindre Sligo . Passèrent les écueils en troupeaux, les arches marines et les tours percées. Les roches torturées se prédisposaient aux légendes. Dans la calcination du désert naissent les dieux uniques. Sur les mers de brisants , les dragons et les fées. Le monothéisme descend du soleil, les légendent montent de la brume . Devant la chapelle de Saint Oran , une stèle plantée dans le sol accueillait le visiteur . Une épée flanquée de motifs entrelacés diffusait le message de la terre de l'Ouest : le mal et le bien s'emmêlent dans l'âme humaine . La part de l'homme est ambigüe , bien et mal mêlés, elle n'autorise pas les catégories simples, au coeur de l'être demeure la tension. Ni l'ange ni la bête ne sont séparés . Et l'âme humaine constitue toujours et à jamais le lien de leur lutte qui parfois est l'autre nom de l'amour. Tout juste , un jour, peut-on se saisir de l'épée et trancher l'entrelacs , alors fin de l'aporie, le serpent se dénoue, le mêlé se démêle , la spirale se déroule, le flux se calme. Pourquoi les croix celtiques barrent -elles les cercles , parce que tous s'est délié là où tout se fermait. Les tourbières gorgées d'eau dessinaient des labyrinthes, on croyait rejoindre un tertre , on s'enfonçait à mi-jambe . Au début, le marcheur d'Ecosse , pauvre naïf, tente de contourner les flaques, bientôt il comprend que la terre entière est une fondrière , mieux vaut tracer l'azimut dans l'éponge ; même les pentes étaient gorgées, l'eau ne ruisselait pas , elle imprégnait le monde . Les hommes du Nord naviguaient sur des knarrs , esquifs non pontés , ils déboulèrent dans les îles celtiques au VIII siècle , les Celtes s'étaient répandus depuis le V siècle avant Jésus-Christ dans les écueils atlantiques . Entre temps, ils avaient été assagis par Rome, rationalisés par le Christianisme , leur restait à subir un dernier coup , administré par les Vikings , ils ne s'en relèveraient pas . L'Ecosse diffusait par tous les replis de ses landes cette consolation : les fées survivent partout même sous les cataractes de la tristesse. Tout le jour , grand vent sur les collines du Shetland et mer d'ivoire sur leurs récifs , je vis le Broch de Mousa , forteresse ronde de pierres sèches, datant du premier siècle avant Jésus-Christ , cette tour au nom Scots, que les Pictes avaient bâties , les Celtes utilisés , les Vikings habités et qui faisait comme un chaudron posé dans les herbes sans qu'on sache sa fonction. On largua les amarres à quatre heures du matin, la Bretagne était à quinze jours de mer . Ma quête du Graal ne consistait plus à le chercher mais à décider qu'il était atteint. Alors arriva la fille rousse à peau de nacre ; physiquement elle sortait d'un tableau de Rossetti , je l'avais invité sur le pont , nous fîmes halte dans des pensions de famille tenant de Miss Marple  pour la moquette à fleurs et de Psychose pour les boiseries flippantes . Nous nous aimions dans les lits à ressorts couverts d'édredons bariolés , pendant quatre jours, écoutant la conversation de la fille rousse, étourdi de sa beauté lente, je précipitai au fond du loch toutes mes constructions d'écolier romantique sur le Graal faites de saisissement goethéen , de pureté chevaleresque et de féerie celtique. L'amour suffisait à donner son visage à la quête, son existence au Graal .Le Graal est le mouvement, avais je d'abord cru, perché sur les stacks . Le Graal est la présence, avais je ensuite pensé , dans la nuit des Shetland. L'amour offrait les deux : mouvement vers la présence .Quelques heures dans les draps écossais et ces bras merveilleux décrivaient le Graal .L'amour constituait le point de rencontre entre le désir archaïque et les aspirations de l'âme .On s'aimait , c'était le seul moment de cette vie humaine où tout aurait pu se détruire sans que l'on en eût conçu le moindre regret. Peu importait la fin du monde, pourvu qu'on s'endormît amoureux. La fille du Graal partit quand le canal s'épancha dans la mer celtique .Elle rentrait , le sud la tenait . A nouveau seul à bord, Benoît , Human et moi prîmes le cap de l'île de Man, dernière des sept nations celtiques . Je retrouvai mes livres, je pris mes quarts pensivement . Puisque le bateau était réglé, le cap ajusté et le  foc sorti , je pouvais repasser les mois écoulés ; flottait à l'horizon, dans la vapeur d'écume, le visage de la fille. Je l'associais à ce que j'avais cherché et affublé du vague nom de fée. Elles existaient, puisque le soleil se lève chaque matin sur la mer. Elles existaient quand on cheminaient vers elles. Elles existaient quand on travaillaient à les faire apparaître. Où seraient elles ce soir ? Les toits bleus de Saint-Malo apparurent. Derrière le rempart attendait ma réponse .    


lundi 29 janvier 2024

Les Canadiens de ANDREW MALCOLM


 


Il est assis au sommet du continent américain, colosse méditatif immense, hostile, rébarbatif et implacable envers ceux qui ignorent ses lois naturelles de survie. Avec ses vingt cinq millions d'habitants, la population du Canada paraît modeste aux regards des normes internationales. Le sauvage pays où elle démarre ne l'est pas , lui : Deuxième du monde part sa taille, c'est un parallélogramme déformé, avec près de onze millions de kilomètres carrés de terre et d'eau s'étalant bien au-delà de ce que peut imaginer l'esprit d'un citoyen moyen. D' Est en Ouest , il embrase sept mille trois cent treize kilomètres et , un quart de fuseau horaire du monde. Du Sud au Nord , le Canada se déploie sur près de cinq cent milles kilomètres. Les avions  de ligne réguliers s'élancent du sud du pays, cap sur le nord. Ils touchent terre six heures plus tard, à treize cent kilomètres encore de ses confins. Tout le temps ou presque , ils survolent des terres, et c'est à peine si leurs passagers aperçoivent une agglomération de plus de quelques centaines d'âmes, ils survolent des troupeaux de caribous sauvages, si nombreux qu'il leur faut une journée pour franchir une cime, ils passent au-dessus d'un million de lacs, de rivières et de fleuves, qui renferment trente pour cent des précieuses réserves mondiales en eau douce. Ils planent au-dessus d'immense système nuageux : ici naissent les tempêtes qui une semaine plus tard, déchaîneront les feux du ciel paralyseront les villes américaines et des régions entières .ils survolent d'imposantes cascades gelées à mi-hauteur, une vingtaine de sommets de plus de trois milles mètres, des sites pittoresques et grandiose restés inconnus et sans nom. enfin, l'avion qui apparaît , on ne sait comment atterrit en un lieu isolé et à jamais pris dans les glaces qu'on appelle Resolute , dans des territoires constituant quarante pour cent du Canada, mais qui , cent dix huit ans après la naissance du pays, demeurent en grande partie inexplorés, indomptés, et non intégrés. C'est le Nord , une fois un quart plus vaste que l' Inde, avec si peu d'habitants qu'on les logeraient tous dans un stade. L'impressionnante réalité géographique du pays et les climats rigoureux qui l'accompagnent ont, ensemble le pouvoir de modifier la vie, le travail, les opinions et les valeurs de tout individu. Pour certains, c'est une menace pour d'autres un défi à relever et pour beaucoup une excuse. Les épreuves imposées par la nature compte parmi les rares liens qui les unissent, sur cette terre qui, depuis peu éveille les curiosités, se développent rapidement et en est même arrivée à jouer, à l'insu de ses habitants un rôle profond, influent et croissant, surtout chez son voisin américain, depuis l'immobilier, les livres et les films jusqu'aux bières, aux banques, aux autorails et même à l'indispensable "bras" de la navette spatiale. Si les américains après avoir conquis et apprivoisé la Frontière, sont aujourd'hui  convaincus que tout est possible. Il existe en inuktitut , le langage simple mais plein de finesse des peuples du Grand Nord, une expression courante très révélatrice : ionamut , on pourrait le traduire par " on n'y peut rien ". Pendant un grand nombre de siècles, et aujourd'hui encore, ionamut a permis à ces hardis Canadiens d'accepter, avec un haussement d'épaules libérateur, le choc de ces forces climatiques et géographiques démesurées, inexorables, que sont les glaces mouvantes, la toundra stérile où le gibier fait si souvent défaut, les vents fouettant et cinglants, les blizzards meurtriers, le froid pénétrant. Il a fallu aux Etats Unis plus d'un siècle pour conquérir entièrement leur portion de continent, et devenir une nation à part entière. Aujourd'hui alors que le Canada entre dans sa douzième décennie d'indépendance, il paraît, à des signes de plus en plus nombreux et en dépit de divisions incessantes , approcher lui aussi de la maturité dans un certain nombre de domaines. Durant des siècles, les Canadiens ont peiné sur leurs mers ou leurs vastes territoires pour approvisionner les voraces marchés du monde entier. L'immensité de ses distances et ses marchés minuscules ont toujours contraint le pays à se reposer massivement sur son commerce extérieur. Aujourd'hui encore, il doit vendre beaucoup de sa production à l'étranger pour survivre économiquement; plus d'un quart de son activité est fondée sur ses échanges internationaux , soixante et un pour cent du zinc du pays est acheminé vers l'étranger, de même que quatre vingt cinq pour cent de son blé et quatre vingt huit pour cent de son papier journal. De fait , les premiers véritables colons ne fuyaient pas telle ou telle persécution politique ou religieuse. Ce fut d'abord pour le poisson qu'ils vinrent au Canada, s'attardant peu à Terre Neuve, non à cause de la richesse du pays , mais simplement pour allonger leur saison de pêche en s'épargnant le temps du voyage à la voile depuis l'Europe l'année suivante. Puis les Britanniques arrivèrent dans ce qui allaient devenir les Provinces Maritimes de Nouvelles Ecosse et du Nouveau Brunswick et, plus tard la vallée d'Ottawa, non pour apporter un gouvernement et des manières civilisés au monde sauvage des indigènes d'Amérique du Nord mais pour abattre les hauts arbres verticaux qui, durant  tant de générations, serviraient de mâts aux voiles de la Royal Navy. Plus tard encore, marchands anglais et français rivalisèrent pour s'approprier les riches fourrures dont regorgeaient les grandes étendues sauvages du pays, les castors, visons, loups, loutres et phoques dont les peaux connurent une telle vogue dans tant de pays . Les Canadiens n'ont pas un si grand nombre de héros à mettre sur leurs timbres- poste , mais ils ont leurs ressources; c'est pourquoi l'on peut voir des timbres magnifiques célébrer des choses comme le nickel, sans ses dons de la nature, peu de raisons auraient  pu pousser les hommes à s'avancer dans les immensités hostiles de ce pays. Jamais le Canada, par exemple , n'a accordé d'attention à son Yukon ( les habitants du Yukon aujourd'hui diraient même que c'est toujours le cas ) jusqu'au jour ou le brillant espoir de découvrir un peu de métal jaune dans son sol et dans ses ruisseaux déclencha la course historique effrénée de cent milles individus, la grande ruée sur le Klondike en réalité une ruée de l'or américaine en territoire canadien. La chance du Yukon, sauvage territoire d'une imposante beauté situé à l'Est de l'Alaska et qui encore de çà au vingtième siècle, est que les rochers vieux de quatre cent ans millions d'années n'ont jamais été dérangés par les glaciers. L'érosion naturelle entraîna une partie des roches aurifères jusque dans les ruisseaux où plus tard des prospecteurs grisonnants , munis de leurs batées , trièrent les petits grains tirés de l'eau glacé courant sur les rochers. Beaucoup de concessions aujourd'hui, sont loués par des propriétaires  individuels à des société de prospection disposant de couteux équipement nécessaires , qui leur retournent en échange dix pour cent de tout l'or découvert. Les entreprises apportent leurs haut extracteurs, leurs pompes et leurs lances à eaux géantes; d'une seule poussée, leurs larges lames marquées de cicatrices peuvent déplacer plus de terre que deux hommes munis de pelle en une journée entière voici un siècle. Grâce à la montée en flèche du prix de l'or à l'époque moderne, certains nouveaux mineurs parviennent à gagner de l'argent en se contentant de tamiser les vieux déchets , les rebus qui bordent le fond de nombreuses vallées, en longues chaînes sinueuses de mini montagnes.   Aujourd'hui encore , quatre-vingt pour cent des visiteurs du Yukon sont des Américains.  Mais certaines ressources recherchées par les Canadiens sont toujours sauvages et florissantes. Les fourrures, l'un des attraits originels du Grand Nord, sont encore au centre même de la rude vie de milliers de trappeurs de négociants et d'ouvrier. Et nul n'a joué à travers les siècles de rôle aussi important dans le domaine des fourrures que la Compagnie de la Baie d'Hudson de Lord Thomson , fondée voici trois cent vingt ans. Pour la plupart des Canadiens, la " Baie", comme ils la nomment est une dynamique chaîne de grands magasins à la pointe de la mode situées dans les galeries commerçantes où les centres villes animées. Pourtant la moitié de ses deux cent cinquante point de ventes sont ce que l'on appelle des inland stores, des magasins à l'intérieur des terres, sortes de modernes comptoirs commerciaux dans les zones rurales et écartées, vendant pèle mêle épicerie , fusils, revue , œufs, téléviseurs, clous et éléphants en bois sculptés . Dans les vastes régions du nord du pays ces magasins jouent un rôle encore social et économique unique et souvent dominant. Ils ne se contentent pas de vendre des marchandises : ils en achètent également; leur directeur local est principalement intéressé par les fourrures, mais il paie également pour les splendides objets de stéatites sculptés par certains indigènes de la région. Sur le plan économique, ses hommes d'affaires et ses banquiers après avoir développé et exploité au maximum les ressources du marché intérieur, se libèrent peu à peu des liens psychologiques qui bornaient leurs efforts à l'intérieur du pays. Désormais, ils essaient d'entrer dans l'arène des Etats Unis, d'y imposer leurs produits, leurs sociétés, voire leur philosophie. Les implications pour l'avenir sont évidement imprévisibles, et le seraient dans quelques société que ce soit. Sa vaste et intimidante géographie et ses climats sont compromis, ont été constantes dans toute son histoire. Cependant, en l'absence de guerre civile, le pays est resté soudé comme une entité unique et l'esprit de son peuple, des individus qui le composent, œuvrant souvent dans l'isolement a engendré une longues série de triomphes passant presque inaperçu . Ces victoires remportées sur une terre peu accueillante sont notamment peu remarquées par les Canadiens eux mêmes qui s'en en avoir vraiment conscience, sont parvenus à connaître, utiliser et exploiter leur environnement avec un talent subtil affiné par la nécessité de survivre. De tous les Canadiens, ce sont peut être les Esquimaux qui préfèrent maintenant être appelés Inuit (" les gens ") qui ont élaboré et conservé les rapports les plus étroits avec la géographie. Un de leur proverbe dit : "Notre terre est notre vie" Dans le sud des études novatrices ont surgi, décidées à utiliser les espaces vierges du pays comme des classes de plein air où l'on enseigne aux hommes et aux femmes des villes, l'indépendance, la confiance en soi et meilleures gestions de ses tensions internes. Les enfants, des écoles du Grand Nord eux ont des traditions et des habitudes qui varient selon leurs communautés. Tous les hivers, le directeur, Mike Pombroke, l'un des trois instituteurs à plein temps de l'école engage pour une semaine ou deux quelques hommes du coin pour emmenés les plus âgés de ses élèves " sur la terre" comme disent les Inuits. Ces hommes vieillissants les initient aux techniques de survie tâche qui, jusqu'à la récente désagrégation de leur rôle et de leur autorité était autrefois couramment assumée par les pères. Ils montrent aux jeunes comment construire des igloos, un savoir faire qui peut vous sauver la vie dans les subites tempêtes de l'Arctique, ils leurs apprennent à fabriquer des traîneaux, à s'orienter en observant la manière dont le vent soulève la neige, à trouver les orifices où viennent respirer les phoques, à savoir ce qui s'étend au-delà de l'horizon en déchiffrant les reflets sur les nuages et, science d'une grande importance, à déterminer si une glace est assez ancienne pour ne plus contenir de sel et pour qu'on puisse sans danger la faire fondre et la boire. Et de temps à autre, dans le courant de chaque année scolaire, notre directeur se voit obligé de supprimer les récréations en raison de la présence d'ours polaires, les énormes et puissants animaux aux longues dents et à l'haleine nauséabonde errent alentour quand bon leur semble attirés par l'odeur de la nourriture, des chiens et des gens. Dans certaines communautés plus accessibles, les vagabondages urbaines des ours ont été transformés en attractions pour touristes ; mais à Resolute un panneau dans l'aéroport vous met en garde: Attention ! La main qui nourrit pourrait se faire manger. Les ours sont dangereux , ils sont plus gros et plus rapides que vous ! Ne leur donnez pas à manger ! Les ours , à l'instar de beaucoup d'humains dans le Nord Canadien, vivent sur la glace, un élément faisant là-haut partie de la vie, la dominant même comme la terre dans une ferme ou le béton dans la ville. Pour 99,74% des Canadiens, la glace est une chose qu'on laisse tomber dans son verre ou sur quoi, plusieurs mois par an, l'on répand du sel quand elle recouvre les allées des maisons mais pour soixante trois mille autres Canadiens elle est une brutale réalité géographique, une chose de la vie à la mort. Les Canadiens utilisent à présent la glace plutôt qu'il ne la combattent, si la route Dempster , seule route publique d'Amérique du Nord franchissant  le cercle polaire est ouverte toute l'année, c'est uniquement parce que les ouvriers travaillant par des températures au-dessous de zéro associent rondins entrecroisés et canon à eau pour construire des ponts de glace sur les fleuves Arctic Red  et Mackenzie. De nouveaux canons spéciaux à vapeur ceux-ci peuvent aujourd'hui creuser des orifices extrêmement précis dans une glace épaisse, ou dégager des objets gelés sans risque de destruction, de danger et en faisant l'économie du coût des explosifs. L'étude de la dynamique des glaces et l'utilisation judicieuse de mini ponts d'acier portables ont permis aux sociétés de transport de construire  pour six semaines tous les hivers une route de soixante dix kilomètres, sur le lac Athabasca , dans le nord de la Saskatchewan continuant le seul lien terrestre pour certaines communautés minières isolées . L'attrait des ressources naturelles a toujours été la force historique présidant au développement économique du Canada. D'abord , il y eut le poisson, puis vinrent les fourrures, l'or et le cuivre en attirèrent beaucoup dans le Yukon , l'uranium en amena d'autres dans le Nord de Saskatchewan et en Ontario, c'est l'amiante qui fascina dans le Nord du Québec, de lourds sables pétrolifères commencèrent à être exploités en Alberta ; et les possibilités de production d'électricité à bon marché à partir d'eau douce du Labrador et de toute la partie Nord du Canada firent monter les bulldozers au fil des années .Depuis le XIX siècle, époque à laquelle les habitants Sud-Est du Québec découvrirent dans le sous-sol les fibres embrouillées de l'amiante et commencèrent à en faire des vêtements, l'exploitation de l'amiante est restée la première activité économique de Thetford une communauté de 28.595 personnes dont 27.780 parlent le français et où presque tous sont concernés par l'une des multiples mines de la région. Ici, les garçons grandissent pour suivre les traces de leurs pères  dans les puits. Les hommes travaillent de longues heures dans les ténèbres et la poussières pour un salaire fort honnête, certains hommes périssent de mort violente, d'autres meurent des années plus tard, se plaignant de leur souffle court, que l'on associe toujours à l'âge ici. Le travail est plus rare dans ces mines de nos jours. Les cours des fibres ignifuges ont baissé sur le marché mondiaux, ces fibres tant appréciés pour les garnitures des freins et le ciment, mais qui s'accumulent dans les poumons , et que l'on accuse de provoquer une mort lente, par étouffement : l'asbestose. Ailleurs dans le monde, on intente à l'amiante des procès en responsabilité pour des millions de dollars. La ruée originelle vers l'or du Yukon fut déclenchée un jour d'été de 1898 ; les hommes du Klondike de notre époque , qui peuvent encore extraire une ou deux tonnes de ces légendaires paillettes jaunes en quelques années Les Canadiens ont grandi dans le seul pays du Commonwealth  britanniques contraint de se développer dans l'ombre imposante d'une super puissance . Jour après jour, ils sont soumis à l'écrasante influence culturelle, économique, politique et sportive, d' Etats Unis dynamiques, rustres parfois, qui ont allègrement drainé vers eux une grande partie de ce que la société canadienne produit de meilleur. Ses inventeurs, les célébrités de sa télévision, ses chanteurs, ses hommes d'affaires, ses athlètes, ils les reconditionnent et les lancent sur le marché international sans se soucier de leur identité. De plus en plus de Canadiens savent lorsque une chose , chez eux est bonne ou excellente, mais tout se passe semble t-il comme si la reconnaissance de cette excellence subodorée devrait venir d'ailleurs. Pris individuellement , les Canadiens se signalent aux visiteurs comme l'un des peuples les plus amicaux, les plus ouverts et raisonnables, les moins dogmatiques et, aujourd'hui parmi les plus offensifs et imaginatifs dans le domaine économique. Aucun des traits de ce peuple ne pouvait se déceler, bien sûr, voici plus de quatre cent cinquante ans , en l'une de ces journées d'automne , Jacques Cartier, rude marin breton pourrait bien avoir pressenti quelque chose de radicalement autre en ces lieux, cependant qu'avec lenteur il remontait, au moi de septembre de l'année 1535 un énorme fleuve sans nom. A l'époque François 1er était en quête d'une nouvelle France, de nouvelles colonies, de nouveaux trésors et de voies de navigations inédites." Comment appelle t-on cet endroit demanda Cartier d'un geste du bras balayant sans doute l'horizon" . Les Indiens pensant selon toute apparence qu'il voulait parler de leur ville répondirent naturellement " Kanata" , c'était le mot huron- iroquois pour désigner un village. Cartier retourna en France annoncer la découverte d'une nouvelle terre au nom étrange et dur ; c'est ainsi que fruit d'un malentendu bilingue, le pays reçut toujours le nom de Canada. Le Canada a perdu une  génération entière au cours de ces années; ils vivaient, mais n'étaient pas réellement en vie . Lorsque enfin les choses auraient pu s'arranger et que le pays redémarrait les pires craintes étaient déjà devenues réalités; cela a terriblement retardé l'évolution du pays . A une époque ici, personne n'aurait songé à réclamer de l'aide à un gouvernement , on faisait  les choses soi-même ou on allait voir un voisin . S'il vous fallait un caniveau au bord de la route eh  bien vous le creusiez vous-même et vous déduisiez la somme de vos impôts suivant. Aujourd'hui, il vous faut passer par de dizaines de commissions et, tout cela sape l'esprit d'indépendance et d'initiative. Et puis bien sûr , il y a toujours quelqu'un pour s'opposer à n'importe quoi. La vie quotidienne est de plus en plus encombrée de lois et de règlements. Ils ont complètement transformé le caractère de notre société. Autrefois, les liens sociaux rapprochaient les individus entre eux. De nos jours,  ils relient les individus à un gouvernement lointain. Les gens se préoccupent de leurs intérêts personnels , l'égoïsme à pris le dessus. Les jeunes s'attendent à ce qu'on leur apporte tout sur un plateau . La vie quotidienne et sa routine dans les villes minières du Canada ont quelque chose tout à la fois, de rassurant et de terriblement oppressant . Les agglomérations sont disséminées sur tout le territoire . Les Canadiens ont, c'est certains , des opinions très arrêtées sur les choix politiques, les problèmes courants, et les personnalités en place. Les hommes d'affaires peuvent officiellement faire connaître leur point de vue au gouvernement par la voix de leurs avocats. ceux qui descendent dans la rue pour scander les slogans et manifester pour ou contre les causes diverses, des essais de missiles américains au-dessus des régions isolées, jusqu'aux droits des homosexuels : Toronto commencent à être socialement acceptés, mais dans les années 80 encore on a pu observer des réactions scandalisées et indignées lorsque des foules de manifestants descendirent sur Ottawa pour assiéger la maison d'un ministre fédéral en protestation contre le programme anti-inflationniste du gouvernement. Aussi , ni le gouvernement ni les dirigeants d'entreprise ne se tourne cers les groupes de pression pour faire valoir leurs opinions à Ottawa, encore moins à Washington où tant de décisions affectant le Canada sont pourtant prises , et où les lobbyistes sont bien plus nombreux et influents que les députés .Le Canada a été forcé de miser son avenir économique sur le commerce. les ventes à l'étranger signifient des emplois pour le pays . A leur insu , les rapports qu'ils entretiennent avec les Etats-Unis ont un impact considérable sur leurs relations avec nombre d'autres pays. Beaucoup d'acheteurs et d'investisseurs étrangers perçoivent en effet le Canada à travers  un prisme américain. Les deux pays feraient bien en autre de se rendre à une dure évidence : L'importance du commerce extérieur dans la plupart des économies internes , exaltant encore la relation déjà très intime entre eux . on peut voir des accords indépendants s'élaborer dans un nombre de domaine illimité, comprenant la pétrochimie, les aciers spéciaux, le textile, les transports, les meubles, les produits forestiers, le gros équipement électrique ou de télécommunication et les produits chimiques. pour les Canadiens, ceci pourraient signifier une augmentation importante des ventes aux américains qui tournent déjà autour de soixante milliard par an. toutes les conditions sont réunis pour de graves problèmes en matières d'eau qui surviennent dans le futur. Américains comme Canadiens ont toujours été vaguement conscients que cela constituaient un lien entre eux. La ville de New-York doit régulièrement exhorter ses habitants à se rationner. La Californie et le Sud-Ouest rivalisent pour leurs réserves très limitées, et on a vu le Colorado fleuve jadis puissant se réduire à un filet d'eau salée en arrivant au Mexique. Mais ils ont promis de ne pas en détourner une goutte sans l'accord de leur pair canadien, l'Ontario. Il existe par ailleurs entre les deux pays des ententes plus anciennes régissant l'utilisation des masses d'eau communes à des fin de navigations ou de production d'électricité. Des projets ont été proposé , mais a ce jour très peu d'études ont été effectuées sur les conséquences possibles de tels projets. Il y a d'abord, un problème écologique : quels seraient les effets à long terme sur le climat mondial, par exemple, si l'on détournait de si vastes quantités d'eaux plus chaudes, adoucissantes de leur distinction actuelle : l'Arctique ? Le second problème est, comme d'habitude , le manque de préparation politique vis à vis d'une question vitale pour deux pays qui se rapprochent de plus en plus malgré eux. Les deux camps sont prêt à retomber instinctivement dans leurs rôles accoutumés ! Les Etats-Unis considérant l'accès à des ressources si importantes comme un droit parce qu'ils en ont besoin, bien sûr qu'ils ne voudraient pas à avoir à taper sur la table , mais que part ailleurs regardez un peu tout ce que les Etats-Unis font pour le Canada. Le Canada, lui adoptant une attitude plus possessive encore à l'égard de ses ressources et de ces droits, se redressent raide et fier, et ses vertueux politiciens du jour jouant sur les vieilles craintes pour le pauvre petit pays qui vit dans l'ombre dangereuse de la grande brute d'à côté. Mais à tous et à tout l'eau est nécessaire. Et nul ne sait encore fabriquer cette pure et fraîche substance qui fait tellement partie intégrante de la vie des deux pays. Tous les week-ends, de tous les étés, les riches Canadiens émigrent par milliers vers le " lac" comme s'il ne s'en trouvait qu'un dans tout le pays, ou vers le "cottage" était sous-entendu que le dit cottage se situe quelque part à proximité d'une masse d'eau douce ou d'une autre, car elle peut prendre des aspects variés depuis les haut-fond trouble du lac Dauphin dans le Manitoba jusqu'aux criques étincelantes et virginales de la Baie Georgienne loin au nord de Toronto. Ces reposants lieux de séjour, où les Canadiens se réfugient pour échapper aux tensions de l'existence dans leurs villes immaculées, sont reliés au rivage proche par des bataillons de bateaux de plaisance. Un certains nombre de lacs de l'intérieur des terres sont même raccordés entre eux par des canaux et des écluses. C'est ," le pays du cottage" mal définie qui n'apparaît sur aucune carte . Jamais on n'a déterminé avec précision le nombre de Canadiens possédant un cottage, ni le nombre de ces cottages, ni même celui des lacs qui attirent ainsi les habitants. Il n'existe pas véritablement de définition de ce qu'est un cottage au Canada, une hutte sans chauffage dans les bois, que les humains n'habitent que les week-ends d'été, un poulailler reconverti au bord de l'étang d'une ferme, et loué par un groupe de collègues de bureau, un luxueux chalet, ou une maison en multi propriété , auprès d'un lac. Dans certaines régions, en particulier sur les terres fédérales de l'Arctique, on trouve même des maisons en front de lac n'appartenant à personne, mais à la disposition de tous ceux qui dispose de l'argent nécessaire pour affréter un hydravion pour une heure.
Lors d'un voyage , je refis , sur les pas de mon arrière-grand-père, le chemin de sa migration vers le nord , de Minnedosa à Dauphin, là où mon père avait grandi dans une ferme. En voiture, c'était peu de chose, un siècle après les faits, cent vingt kilomètres peut-être
mais je conduisis lentement, en essayant d'imaginer ces temps où le courrier n'arrivait qu'une ou deux fois par mois, où les cours d'eau sans pouvaient emporter des chariots entiers de ravitaillement et de biens, où les Indiens nomades passaient pour échanger leur savoir faire de tanneurs de peaux contre du lait. 




vendredi 22 décembre 2023

Diabétiquement vôtre de Bertrand Burgala


 




J'ai 11ans, j'habite Colmar, dans quelques jours la ville va fêter le trentième anniversaire de sa libération; mon père, préfet a participé aux combats dans la Première Armée et le Groupe Mobile Alsace, c'est un grand moment pour lui, on m'envoie passer le dernier weekend du mois chez les Gaillemain, des amis de la famille. Six mois plus tôt j'ai vu Pink Floyd à la Halle aux vins de Colmar. Ce concert m'a bouleversé , tout ce que j'attendais depuis l'enfance, la magie, l'espace, l'électronique et le merveilleux s'était déployé dans un amphithéâtre, que je vais essayer de retrouver toute ma vie, ne se reproduit pas à Mulhouse, pourtant il se passe quelque chose . Je sors de Godspell dans un état étrange, épuisé et assoiffé. Arrivé chez les Gaillemain , je bois et pisse toute la nuit. Le lendemain, de retour à Colmar, on m'examine et j'entends un mot qui n'est encore qu'une hypothèse. Extrait du journal de ma mère: Jeudi 30 janvier 1975 " A 9 heures , j'amène au laboratoire les urines de BB ( mes initiales par lesquelles elle me désigne) A midi , en rentrant de chez le coiffeur je trouve les résultats avec un mot de M. Kelber le pharmacien, me priant de le rappeler : Glucose 69 grammes par litre + acétone. C'est l'affolement. M. Kelber m'indique le spécialiste du diabète à Colmar qui, a son tour nous dirige vers le docteur Lausecker , médecin chef du service pédiatrie. C'est le drame, Bertrand est et sera toujours diabétique. Bertrand ne repart pas à l'école. Dans l'après midi les analyses de sang confirment le diagnostic. A 21 heures Bertrand à sa première piqûre d'insuline. Notre chagrin est immense. Notre merveilleux petit garçon , enfant courageux et innocent est victime de la fatalité et des germes qu'il; porte en lui . Yves est révolté . Je me sens vidée de mes entrailles. Il n'y a pas de diabétique dans la famille. " Après 10 jours d'hospitalisation, effarés par la désinvolture de Lausecker , mes parents m'amènent à Paris consulter un grand spécialiste, le professeur Lestradet , il anticipe le traitement moderne du diabète, mais il le fait à une époque où le matériel est encore très rudimentaire. Aujourd'hui, des injections et des analyses de plus en plus rapides et précise permettent de mieux cerner l'évolution de la glycémie. Mais en 1975, les insulines agissent lentement, les mesures sont incertaines, il ne tient pas compte des réalités humaines non dite et entêté, Lestradet vas fabriquer des générations de diabétiques en mauvais état. Les seringues jetables en plastiques viennent d'apparaitre , elles remplacent rapidement les modèles en verre qu'il faut faire bouillir après chaque usage pour les stériliser . Les aiguilles sont toujours inutilement longues pour des injections sous cutanées. Mes parents en dénichent de plus courtes, fabriqué par Gilette , ni homologuées , ni remboursées en France. Il faudra des années pour qu'elles deviennent norme  , conformément aux présentes de Lestradet je fais des promenades avec ma mère, et ma première hypoglycémie en fin de matinée dans une forêt vosgienne; sueurs froides, vertiges, jambes coupées, les symptômes nous impressionnent. Ils vont pourtant devenir routiniers tout comme l'engourdissement engendré par le sucre. Mes parents ne me le montrent pas, mais ils sont catastrophés . Médecins alternatifs, guérisseurs de HLM ou acupuncteurs des beaux quartiers, tous nous accueillent à bras ouverts, tous affirment à ma mère pouvoir faire quelque chose. Tous se gardent de distinguer le diabète léger et celui qui me concerne, qui a autant de chances de guérir entre leurs mains qu'un moignon de repousser, je vais passer cinq ans à leur rendre visite. Septembre 75 , 12 ans, déménagement à Bobigny, tous les matins je me réveille en sueur avec beaucoup de sucre dans les urines, on augmente l'insuline, au point de devoir utiliser plusieurs seringues. Rien n'y fait. Je commence à accabler mon père, l'accusant d'avoir été trop gros au moment de ma conception. Aujourd'hui, longtemps après la mort de mes parents et de ma soeur, mon ingratitude pèse beaucoup; je m'en veux de leur avoir fait tant de peine. En classe je somnole, après la cantine je lutte pour rester éveillé. A la rentrée 78, mes parents m'envoient à Londres au lycée français ,j'ai 15 ans je suis en première je loue une chambre dans une  famille , je suis livré à moi même et je déconne plein pot. Le mélange alcool sucre insuline est explosif ( persuadé que je ne vivrai pas après 30 ans )j'adopte les conduites les plus aberrantes. En avril 79, mon père est nommé à Dijon, je quitte Londres mais pas mes mauvaises habitudes. Blanc limé , avant d'aller en classe Whisky cola gin tonic, clopes à la chaîne, je passe l'essentiel des cours à lutter contre l'engourdissement provoqué par le sucre; et je finis aux urgences pour des comas diabétiques amplifiés par l'absorption d'alcool. Septembre 80 , après le bac, j'arrive en fac à Paris; je viens d'avoir 17 ans, je n'ai aucune confiance en moi, et je décroche aussitôt ; je me lance dans une agitation politique désespérée , alternant les gardes à vue et le passage aux urgences. Mon père meurt, je viens d'avoir 20 ans, je me pique une à deux fois par jour, c'est tout. De toute façon aucun instrument d'analyse ni aucune insuline ne sont capable de s'ajuster à la vie réelle d'un diabétique. Cette maladie ne me pose aucun problème social, puisque je fais comme si je l'avais pas. Je bois, je fume, je mange n'importe quoi. Dans les hôpitaux, quand les premières analyses de sang au bout du doigt apparaissent la même aiguille fit souvent le tour des services, cette économie de bout de chandelle fait la fierté des responsables, certains départements poursuivront cette pratique jusqu'en 1985. A combien de diabétiques ont-ils transmis, l'hépatite C ou le VIH ? Je suis seul à Paris en ce début d'été, je viens d'être opéré des dents de sagesse, l'intervention et l'anesthésie font explosé la glycémie, le sucre monte, monte, monte, je suis de plus en plus faible, je ne parviens pas à rétablir les doses, l'acidocétose est arrivée , je finis par appelé les pompiers, je finis aux urgences de l'hôpital Louis Mouvier. Aux soins intensifs, je peux répondre à quelques questions, puis je bascule dans quelque chose qui m'est jamais arrivé, mon cerveau ne parvient plus à commander mon corps, je suis conscient d'être inconscient. Cette dissociation est très éprouvante , ce que je vis là n'est pas la mort, mais un moment où mon corps flotte et se résigne. J'ai 22 ans , les carottes sont cuites, je dois payer de ma poche, le traitement de mes ordonnances bidon, les pharmaciens m'envoient souvent promener pour les seringues, par leur fausse rigueur , ils sont entrain de provoquer une hécatombe chez les toxicomanes. Il faudra attendre le printemps 87 pour que le gouvernement leur impose par décret la vente libre. En 88 , j'enregistre en Slovénie, resté sur place plus longtemps que prévu, je vais être en court de traitement. A l'hôpital de Ljabljana, le spécialiste qui me reçoit me parle comme à une personne normale, j'ai l'impression que c'est la première fois. Il m'apprend qu'il y a maintenant des stylos à insuline rechargeables beaucoup plus maniables que les seringues, les Yougoslaves les achètent 20 dollars aux fabricants norvégiens. Londres , printemps 90 , fin de soirée chez Nick, a six heures du matin, je fais une piqûre d'insuline dans la salle de bains quelqu'un entre, un peu plus tard l'ancien chanteur de Birthay Party fait sa morale, arrête la drogue Bertrand, mais je suis diabétique, Nick ! Oui c'est aussi ce que je racontais aux douaniers quand je trimballais mes shsotouses : L'organisme d'un diabétique n'est pas très différent de celui d'un junkie chevronné, mélange de robustesse et de vulnérabilité, car il faut être costaud pour supporter l'enchaînement permanent d'hyper et d'hypoglycémie violentes qui enverraient dans le décor quiconque n'est pas accoutumé. Fin 97 , 34 ans, au volant je vois des mouches collées sur le parebrise , mais je ne parviens pas à les enlever; ces mouches sont l'avant garde de la rétinopathie diabétique proliférante. Ce n'est pas facile d'être un diabétique honnête, il y a quinze ans que je suis un petit Saint, je ne bois pas, je ne fume pas, je me remue, j'évite de manger plein de choses que j'adore, je me pique jour et nuit, au ventre, aux fesses, aux cuisses et sur les doigts. A 52 ans, je semble en forme, pourtant la discipline y contribue, j'ai le corps d'un jeune homme et peut être aussi celui d'un vieillard . Je ne sais pas combien de temps mes reins et mon coeur tiendront, mais je suis résolu à faire mentir les statistiques. Le diabète m'a protégé autant qu'il me ronge. Il m'a appris l'autocontrôle et le dialogue avec mon corps. S'il m'a dégradé, il m'a aussi endurci physiquement, on n'a pas d'immunité on attrape tout, et la moindre infection met la glycémie en pagaille. Il suffit d'une aphte pour tout bousiller pendant des jours. Le diabète a beau être le mal du siècle, il ne date pas d'hier. Les premières descriptions de la maladie parvenues jusqu'à nous datent de quatre millénaires. Deux milles ans avant notre ère, les Chinois parlent de la maladie de la soif, les Hindous évoquent des urines de miel. Cinq siècles plus tard, un papyrus égyptien dépeint la polyurie . Hippocrate aussi au siècle de Périclès . Au XIV siècle les pièces du puzzle s'assemblent. En 1855, Claude Bernard met en lumière le stockage du glucose dans le foie, sa présence dans le sang et la stabilité de cette glycémie chez un sujet en bonne santé; il interprète l'excès de sucre dans les urines comme un symptôme et plus comme une cause. Plusieurs essais vont être réalisé au fil du temps. Le 23 janvier 1923, un brevet américain est déposé sur l'insuline et son procédé de fabrication par Banting, Collipot Best ,ils en cèdent les droits à l'Université de Toronto, les laboratoires du monde entier vont pouvoir produire de l'insuline, sans verser de royautés. Jusqu'à leur intervention, les malades tenaient quelques semaines avant d'être engloutis par le sucre et l'acétone. Des régimes réduits à 450 calories par jour s'efforçaient de retarder le coma. Il a fallu soixante ans pour conditionner l'insuline dans un stylo , concevoir des appareils d'analyses ou d'administration qui suivent les progrès techniques de l'électronique grand public. Les molécules se perfectionnent , l'insuline lente Protamine zinc apparaîtra en 1935, l'insuline intermédiaire NPH en 1950. A la fin du millénaire apparaissent sur le marché de nouveau produits dont la structure a été changé afin de modifier leur durée d'action :les analyses rapides '( Novorapid en 1997 puis lents la Lantus en 2003) Le vœu étrange  d'une insuline en suppositoires ne s'est jamais réalisé, mais la voie nasale n'a pas été abandonné, un spray arrive aux Etats Unis, l' Afrezza, développé par les Américains de Manakin , commercialisé par Sanofi qui compte pulvérisé le marcher .Vers l'an 1700 l'apport en sucre n'était que de quatre livres environ par an et par personne en Angleterre et aux Etats Unis ( alors réduits aux colonies) mais il est plus de cent cinquante livres par an  et par personne aujourd'hui. Un quart de la population américaine moderne consomme plus de deux cents livres de sucre par an, 35 kilos en France. Nous nageons dans le sucre, en nous croyant au sec: sa nocivité n'est pas limitée à la matière blanche qui le symbolise, il prends bien des visages pour endormir notre méfiance, joue sur les mots et sur les emballages. Le sucre au singulier ne désigne qu'une substance de saccharose , les sucres aux pluriels, recentrent tous les glucides, en réalités nous mangeons bien plus que ces 35 kilos officiels, les glucides contribuant en moyenne  à 44% des apports énergétiques quotidien chez l'adulte, tous ont un effet sur la glycémie . Tous sollicitent le pancréas et l'insuline, tous sont à l'origine de l'explosion mondiale sur le diabète. En quarante ans , le discours n'a guère changé: " çà se traite très bien maintenant, à condition bien sûr d'être irréprochable" Cette condition, aucun diabétique n'y satisfait parfaitement. Le diabète mal soigné , ou soigné trop tard peut tuer précocement, il conduit à des infirmités redoutables entraînent l'invalidité . Dans un couple, c'est surtout pour le conjoint vivre avec une troisième personne, cette maladie qui s'insinue partout et à tout heure, y compris la nuit avec des réveils et parfois les malaises. Le diabétique qui se traite convenablement est obligé de penser à lui tout le temps. il doit surveillé sa glycémie, se demander si tel agacement ou tel abattement est sincère, ou est la conséquence d'une surdose quelconque. L'entourage doit faire preuve de beaucoup de patience et de compréhension . Il aura fallu quinze ans pour cette promesse, celle d'une mesure non invasive à la glycémie par un patch et un lecteur, commence à se concrétiser. Au drugstore Publicis où nous nous sommes donnés rendez vous, l'homme assis en face de moi à les larmes aux yeux, c'est la première fois au cours de cette enquête, et c'est un haut responsable de l'industrie pharmaceutique Philippe Emery est le directeur de la division diabète d' Abbett France, six mois plus tôt , le 3 septembre 2014 , il a annoncé la commercialisation d'un nouvel appareil , le Free Style Libre, c'est le premier véritable progrès technique pour le diabète insulinodépendant après le glucomètre au début des années 80 le plus important peut être depuis l'invention de l'insuline. Les témoignages de satisfaction  d'utilisateurs défilent sur son téléphone à flots continus, accompagnés de messages de gratitude. La révolution , plus de piqûre au bout des doigts et de goutte de sang. Un patch au bras, mesure en permanence la glycémie entre les cellules à l'aide d'un filament indolore; ou passe au dessus de lui un lecteur qui fonctionne un scan de caisse enregistreuse et affiche les résultats ainsi que leur évolution , le capteur est changé tous les 15 jours, il résiste à l'eau , le lecteur lui fonctionne à travers les vêtements les plus épais. Philippe Emery " Je ne suis pas diabétique mais j'ai porté le Free Style Libre pendant un mois et demi pour me familiariser avec lui, je n'avais pas idée de l'impact de la nutrition et , de l'activité physique, même pour un non diabétique : par exemple quand on mange des pâtes on se retrouve à 1,40 grammes pendant quatre à cinq heures, quand vous prenez un jus d'orange pressée le matin à jeun çà monte à 1,70, c'est absolument incroyable" C'est pour cela qu'il est difficile de parler objectifs de glycémie rigoureux , sans les outils pour les atteindre. La difficulté, d'être un patient de type 1, c'est que vous êtes constamment obligé d'anticiper , de prévoir, il faut que vous sachiez dès maintenant que vous allez dîner à 20 heures, çà demande d'être extrêmement structuré. Aaaah ! la pompe, un boitier qui ressemble à un système d'alarme ou à un prototype de radiomessagerie , Alphapage 10 centimètres d'électronique embarquée et un moteur pilotant au réservoir d'insuline rapide, au tuyau tubulure relié à un cathéter pour une diffusion en continu, Vous n'aimez pas vous piquer ? Vous serez piquez en permanence. Vous voulez être équilibré ? Raté, c'est à vous de programmer les doses en fonction des glycémie capillaires, que vous devrez réaliser encore plus souvent, vous risquerez l'acidocétose à la moindre défaillance du système, l'action de l'insuline cessant alors instantanément . Comment peut-on croire que cet engin est une libération ? En France depuis quinze ans, ces ustensiles qui frôlent les 4000 euros, sont remboursés à 100% ; prescrits à des patients de première et deuxième catégories, ils sont heureusement moins répandus que dans d'autres pays . Eleni : " J'ai porté une pompe à insuline pendant un an et demi, ce n'est pas une machine intelligente, elle ne calcule pas les doses. Ce qui est compliqué, c'est de se réveiller la nuit en hypoglycémie, ne pas savoir si on est en hypo ou en hyper." Alexandra : " Je n'ai jamais voulu de pompe à insuline, on m'en avait collée une quand j'avais seize ans, elle était énorme, j'avais une aiguille dans le ventre, quand je me retournais la nuit c'était horrible. "Aspartame, cyclamate
   stévia, sucralose :  ces substances naturelles ou synthétiques apportent du sucre sans ses inconvénients
 caloriques, dentaires et vasculaires. Le premier édulcorant, la saccharine , a été découvert à Baltimore en 1879 un chercheur russe allemand, Constantin Fahlberg , travaillait sur des résidus de houille , absorbé par son travail, il partit dîner sans s'être lavé les mains, trouva un drôle de goût à son pain et retourna au laboratoire agiter ses éprouvettes . La diffusion des produits  à base d'édulcorants à été constamment entravé en France. Ce n'est qu'à la fin des années 80 qu'ils ont pu être vendus en dehors des pharmacies et que les industriels ont eu le droit de les utiliser afin de diminuer la teneur en glucides de leurs préparations. Ces produits améliorent grandement la vie quotidienne et la santé des diabétiques comme de ceux qui ne sont pas . Leur usage diminue les besoins en insuline ou le recours aux hypoglycémiants , ils permettent de lisser leur glycémie déjà déstabilisée par le sucre présent dans une grande partie de notre alimentation. A partie des années 80 les inventions technologiques ont fait prendre conscience aux médecins diabétologues qu'ils avaient quelque chose à faire d'intéressant, et ils ont découvert l'éducation thérapeutique. Les associations de diabétiques se sont donc multipliées aux cours des années 80 . Le diabète dans sa forme la plus subreptice et la moins inéluctable, dévaste la Terre. Tant d'existences brisées sur la route du sucre, de générations d'incompris et de méprisés, de drames , de sacrifices inutiles de diabète. Depuis la mise sur le marché de l'Iletin  en 1923 , toutes les morts liées au glucose auraient pu être évitées. Moins grâce aux avancées ultérieure de la science que par l'évolution des esprits. La science justement ne peut plus se dérober. Alors que l'humanité n'a jamais été aussi proche de sa perte, ses rêves d'éternité sont en bonne voie, nous serons bientôt immortels , mais toujours diabétiques ? Les vœux pieux du passé vont finir par se matérialiser : des machines qui accomplissent vraiment ce que le pancréas réalise, l'insuline qui deviendra peut être intelligente, des greffes impeccables et des perspectives encore plus immatérielles sont envisageables et souhaitables . En attendant cessons d'invoquer les grands principes pour des soins qui ne servent que ceux qui s'enrichissent. Négocions les prix des dispositifs innovants, comme les lecteurs de glycémie interstitielle afin d'en faire bénéficier tous les diabétiques du type 1 au détriment des glucomètres antédiluviens . Mettons fin au prosélytisme pour les sucres. Facilitons l'accès aux édulcorants , barrons la route aux propagateurs de fausses rumeurs. Rayons la mention " sans sucres ajoutés "des produits à fortes teneur en glucides. L'espoir , malgré tout . Soigner , traiter , prévenir ; éduquer ! Oui bien sûr avec plaisir . Mais n'oublions pas un autre mot, qui fond à disparaître du vocabulaire médical : Guérir .


Dédicace à mon fils Jacques 




jeudi 23 novembre 2023

L'Odyssée de l'Endurance Ernest Shackleton





Né à Kilkee en Irlande le 15 février 1874, dans une famille de dix enfants dont le père est médecin, Ernest  Shackleton  arrive à Londres à l'âge de dix ans . Après ses études au collège de Dulwich , il s'engage à dix sept ans dans la marine marchande et devient sous lieutenant de la Royal Naval Reserve  en 1901, cette même année il connaît sa première expérience en Antarctique, sous les ordre de Robert Falcon  Scott, en tant que troisième lieutenant à bord du Discovery. Atteint de scorbut lors de cette expédition, il est contraint de rentrer chez lui où il s'essaie à plusieurs métiers :Journaliste, secrétaire de  la Royal Scottish Géographical  Society, hommes d'affaires, il se porte même candidat à des élections parlementaires. Mais l'Antarctique demeure son obsession et la rencontre avec un jeune officier de la Navy l'incite à tenter une nouvelle expédition en direction du pôle. J'avais décidé de quitter la Géorgie du Sud vers le 5 décembre. Pendant les derniers préparatifs, je révisai l'itinéraire de la route qui devait nous conduire au lieu d'hivernage, la glace était descendu très au nord, cette saison là : d'après les conseils des capitaines baleiniers, je décidai de cingler sur le groupe des Sandwich du Sud en contournant Ultima Thulé , de faire route vers l'est jusqu'au 15° méridien et ensuite seulement de me diriger au sud . Leurs prévisions m'inciteront à faire le plein de charbon : s'il nous fallait frayer un chemin dans la glace jusqu'à la côte du continent, nous aurions besoin de tout le combustible que le bateau pouvait porter. J'espérais qu'en nous dirigeant d'abord vers l'est jusqu'au 15° méridien nous pourrions ensuite avancer vers le sud à travers des glaces flottantes gagner le Couts Land et atteindre Vahsel Bay, où Filchner essaya d'atterrir en 1912. Ensuite , si nous pouvions établir sur le continent une base vraiment solide, je maintiendrais le programme primitif . Ce programme consistait à envoyer un groupe au sud, l'Aurora transportera six hommes sur la côte de la mer de Ross. Ils installeront des dépôts sur la route suivie par le détachement transcontinental un à l'ouest l'Endurance déposera  en tout quatorze hommes sur la côte de la mer Weddell  .Le jour du départ arriva . Le 5 décembre 1914, à 8h45 du matin, je donnai l'ordre de lever l'ancre. Le cliquetis du cabestan fut pour nous le dernier écho du monde civilisé. La matinée brumeuse et couverte , avec averses de neige et de grésil, n'empêchait pas les cœurs d'êtres légers à bord de l'Endurance. Finis, les longs jours de préparatifs et d'attente: maintenant commençais l'aventure. J'étais très satisfait des chiens, bien installés dans le bateau, ils étaient dans d'excellentes conditions. Le 6 décembre, l'Endurance avança direction sud, sa course était dirigée par le passage situé  entre l'île Sander et le volcan Candlemans . Le 7 décembre surgit le premier obstacle, en effet, à peine  les îles dépassées nous rencontrâmes des glaces flottantes , les voiles furent carguées et, à la vapeur, le bateau avança lentement .La nuit suivante, la situation devint dangereuse, l'aube naissante nous trouva dans un lac dont les bords de glace se resserraient autour de nous . j'espérais avec anxiété l'indice d'un changement de vent : une brise d'est nous aurais ramenés vers les îles. La proue de l'Endurance, lancée à toute vapeur contre la glace nous fraya un chemin , bientôt nous tournâmes à l'est , espérant trouver une glace moins épaisse. Dans la matinée du 12 décembre, nous manœuvrons parmi des glaces disloquées. Le 14 décembre, la situation s'aggrava; nous affrontions à présent un brouillard obscur et des chutes de neiges intermittentes, à 8 heures du soir , nous fûmes arrêtés par un banc de glace ; il était impossible de continuer sans risques sérieux pour le gouvernail et l'hélice. Pendant 24 heures , l'Endurance resta immobile  . Pendant ces semaines de manœuvres vers le sud , à travers les dédales tortueux de la banquise, il fallait souvent briser  la glace à coup de bateau, quand la route était barrée par des glaces d'épaisseurs moyenne, nous lancions le bateau à mini vitesse et , les machines étaient arrêtées juste avant le choc. Au premier coup , il taillait dans la glace une entaille en forme de V ; l'avant s'élevait presque hors de l'eau , puis le navire glissait en arrière tout en roulant. ensuite , veillant soigneusement à ce que les glaçons flottants n'en dommages l'hélice, nous faisions machine arrière , alors à toute vitesse, le bateau était de nouveau précipité dans le centre du V, une échancrure se découpait dans laquelle le bâtiment venait s'enfoncer à plusieurs reprises. Au quatrième essai généralement, la glace cédait ,une ligne noire et sinueuse comme un trait de plume apparaissait , plus large près du bateau lequel s'engageait sans attendre; par ce moyen , l'Endurance pouvait briser une glace de deux ou trois pieds d'épaisseur. Les trois premiers jours de mars , une rude tempête du nord est souffla qui fit dériver notre pack, plus consolidés que jamais .Les membres des scientifiques de l'expédition étaient tous très occupés, le météorologue ne quittait pas son poste d'observation, installé à la proue, avec anémomètre barographe, thermographe, les cailloux trouvés dans l'estomac des pingouins , quelques fragments de roches ramenés par la drague offraient un intérêt considérable, Clark, le biologiste employait la drague dans les chenaux et ramenait des quantités de plancton et , parfois des spécimens du plus haut intérêt . Dans la première partie d'avril, deux tempêtes du nord est contribuèrent à consolider notre pack, la glace nouvelle s'épaississait rapidement. Le 4 avril on entendait encore la glace craquer et broyer et le bateau vibrait légèrement, le 9 , nouveaux signes de pression à l'arrière du bateau , des entassements de glace nouvelle s'élevèrent à onze pieds, l'alerte en resta là ; mais je compris que c'était le commencement de graves difficultés. Le 11 apparut au nord est un nouvel iceberg qui devait nous causer quelques anxiété; il était énorme. On sent son impuissance devant ce long hiver. Si la fortune avait souri à l'expédition, nous aurions été installés confortablement sur le rivage du sud, dressant des plans pour la longue marche du printemps et de l'été. Où atterririons nous maintenant ? Ce n'était pas facile à prévoir. Le 30 septembre fut un mauvais jour; il commença heureusement par la capture de deux pingouins et de cinq phoques, mais l'après midi à 15 heures, les crevasses ouvertes pendant la nuit le long du bateau commencèrent à travailler latéralement . Le bâtiment eut à supporter de terribles pressions à bâbord, c'était la plus terrible compression que nous eussions ressentie jusque là. Le pont tremblait et sursautait , les poutres s'arquaient, les étançons pliaient J'ordonnais aux hommes de se sentir prêt à tout , quelle tristesse après des mois du combat le plus brave et le plus hardi que le bateau ait jamais soutenu un si vaillant petit vaisseau avait été finalement broyé dans l'étreinte lente et implacable du pack de la mer de Weddell ! L'Endurance méritait toutes les louanges, mais combien de temps pourrait-il soutenir le combat dans de telles conditions ? Nous dérivions dans une partie de la mer congestionné par les glaces, la plus mauvaise fraction de la plus mauvaise mer au monde. Le 1er octobre quelques chenaux s'ouvrirent mais en admettant que l'Endurance fût libérée, ils étaient trop étroits pour la navigation. Le dimanche 24 octobre marqua pour l'Endurance le commencement de la fin, nous avions maintenant vingt deux heures et demi de jour, nous les passions à surveiller la terrifiante avancé des glaces, l'assaut fut terrible, à tribord l'étambot fut tordu , le bordage arraché; tout le bâtiment était ébranlé et gémissait , le navire se tordait littéralement et commençait à faire eau dangereusement . Je mis les pompes en action, les hommes travaillèrent toute la nuit. Les grandes pompes et les pompes à main gelées ne pouvaient pas être employées , Worsley, Greenstreet et Hadson durent descendre dans la cale afin de boucher les fissures, nous pataugions dans l'humidité avec des mains glacées, et il fallait empêcher le charbon de s'échapper par les fentes. Du pont  les hommes versaient des sceaux d'eau bouillante dans les conduits pendant que nous martelions en bas . Dans ce monde étrange nous étions des intrus, tout à fait impuissants , notre vie était le jouet de forces primitives et brutales qui se moquaient de nos faibles efforts. Déjà , je n'osais presque plus espérer la survie de l'Endurance . Nous étions parés à tout événement : provisions, chiens , traîneaux, équipements , tout était prêt à débarquer , à la moindre alerte. Le jour suivant , des bruits de pression nous arrivaient toujours et des chocs se faisaient sentir par intermittence; à l'intérieur se faisait entendre les craquements des charpentes, les "coups de pistolets" produits par la rupture du bordage ou des machines et par là dessus le gémissement indéfinissable de notre bateau en détresse, le bâtiment tout entier se courbait comme un arc sous une pression titanesque. Tout comme une créature vivante il résistait aux forces qui voulaient le broyer, mais le combat était inégal des millions de glaces écrasaient inexorablement le petit navire qui avait ,osé affronter l'Antarctique; de nouveau nous faisions eau de toutes part. A 9 heures du soir , j'ordonnais que les canots , provisions etc....fussent descendus. Après ces long mois d'efforts et d'anxiété, pendant lesquels notre espérance avait résisté à tout, l'Endurance agonisait, nous étions contraints d'abandonner notre bateau broyé sans espoir; mais nous restions vivants et bien portants, désormais il nous fallait une terre tous au complet. Hommes et chiens descendirent sur la glace et s'installèrent à quelques distance sur une surface unie, relativement sûre Nous dressâmes le camp pour la nuit, mais vers 7 heures du soir notre glaçon commença à se fendre et à craquer sous nos pieds; je déplaçait le campement de survie sur un autre glaçon plus grand, il fallait convoyer les canots, nous avions deux tentes pointus et trois tentes à cerceaux. Pendant la nuit , la température tomba à 27° sous zéro et la plupart des hommes souffrirent du froid, je réunis l'équipage et lui expliquais brièvement et clairement la distance qui nous séparait de la barrière et de l'île Paulet . Je proposait d'avancer à travers les glaces avec tout notre équipement dans la direction de l'île. L'intensité de la dérive et l'état atmosphérique amenait à la conclusion que la dérive de notre banquise dépendait uniquement  du vent et non des courants. nous désirions, naturellement dériver vers le nord, afin de retrouver l'eau libre et de pouvoir mettre les bateaux à l'eau. Chaque jour des groupes partaient à la chasse, à la recherche de phoques et de pingouins, en plus des rations de traîneau ( farine, thé, sucre , légumes secs) Le 7 avril à l'aube, le pic tant désiré de l'île Clarence apparut au nord. Le 9 avril un dimanche matin, ce jour là devait voir notre départ du glaçon sur lequel nous avions vécu près de six mois. J'avais décidé de prendre le commandement du James Caird  avec Wild et onze hommes, c'était le plus vaste des canots, en plus de son chargement humains, il porterai la plus grande partie des provisions. Wersleh pris la direction du Dadley Docker avec neuf hommes et Hudson et Grean celle du Stancomb Wills. Les hommes de notre canot paraissaient épuisés et, dans les visages imprégnés de saumure, les lèvres craquelées, les yeux et les paupières rougis, les barbes, mêmes celles des plus jeunes, n'auraient pas déparés des patriarches blanchies qu'elles étaient par la gelée et l'écume salée, les autres hommes de l'autre barque valaient pas mieux. Nous longions à présent des falaises rocheuses et des glaciers qui n'offraient pas la moindre possibilité d'accoster. Enfin à 9h30 nous découvrîmes une plage étroite et rocheuse au pied des falaises à pic. C'était le premier atterrissage jamais réalisé sur l'île de l' Eléphant, les trois bateaux amenés à la plage n'était accessible qu'en deux endroit par des pentes de neige. La mer montante nous obligeait à tirer les bateaux toujours plus haut sur la grève. Il nous fallait atteindre la Géorgie du sud avant que l'hiver nous fermât la mer, il fallait à toute force chercher du secours. Les pieds de Blackborron gelés pendant le voyage en bateau étaient en mauvais états et les deux médecins craignaient  qu'une opération ne fût nécessaire. Les provisions étaient aussi une considération vitale, ces rations pouvaient être prolongés jusqu'à trois mois si l'on en réduisait au minimum , et j'espérait que phoques et éléphants de mer y suppléeraient . Le détachement de secours ne prendrait pas plus d'un mois; Wild restait en tant que commandant chef, je lui confiai le groupe, les hommes sur la plage formaient un pathétique petit groupe, leurs cœurs étaient pleins d'espoir dans le secours que nous allions chercher. Et bientôt le James Caird perdit de vue la plage , le vent d'est nous poussa rapidement dans le pack. Les seize jours suivant ne furent qu'une lutte de chaque instant sur les eaux agitées , l'océan subantarctique  nous rappela à sa réputation diabolique. Nous finîmes par distinguer au milieu des récifs, un passage, le vent s'acharnait sur nous, après cinq tentatives infructueuses la manœuvre réussit enfin, et au crépuscule nous entrâmes dans la large baie .Sautant sur la plage avec le câblot, je retins le bateau, nous découvrîmes un courant d'eau fraîche, buvant à long traits l'eau pure et glacée nous rendait à la vie .Il fallait penser à la dernière étape du voyage, le bateau était moins résistant, cent cinquante milles par la mer nous séparait encore de la station baleinière de Stromness, plusieurs jours passèrent avant que nous eussions retrouvé assez de force, dans l'après-midi Crean et McCarthy  rapportèrent six jeunes albatros, nous étions donc bien approvisionner en viande fraîche . Je projetai d'escalader la pente de neige et ensuite de nous guider d'après la configuration du pays toujours vers l'est entre cette chaîne et le défilé au-dessus de notre camp, un grand plateau neigeux s'élevait vers l'intérieur . Longeant la base de la montagne nous arrivâmes à un gigantesque bergschrund, cet effrayant ravin creusé dans la glace et la neige avait une forme  semi circulaire, il nous fallait  monter, après une pénible ascension nous fûmes au sommet après trente six heures de marche enfin  à 6h30 j'entendis le son d'un sifflet à vapeur, je savais qu'à la station baleinière  les hommes sont réveillés vers ce moment là, deux heures furent nécessaires pour descendre. Nous nous hâtions, tout près de la station , nous dirigeant vers l'entrepôt, je demandai à l'homme préposé à la surveillance la maison de l'administrateur. Mr Storlle nous accueillis sur le pas de la porte il nous offrit du café et des gâteau puis nous conduisit à la salle de bains , nous étions sales en guenilles plein de barbe . Nous discutâmes après le repas des moyens de secourir nos camarades qui étaient restés sur l'île de l'Eléphant .Le capitaine Thom, un vieil ami de l'expédition était à Huswik avec son bateau, il s'offrit à nous accompagner, le 9 mai nous étions en mer mais nous serons bloquer par un immense pack qui formait une barrière impénétrable, il fallait céder devant l'échec. J'avais l'esprit tendu, uniquement occupé par les moyens de délivrer ceux de l'île de l'Eléphant au plus tôt , l'hiver avançait . Un deuxième sauvetage avec le chalutier nommé Institue de Pesca  mais celui-ci échoua  pris dans une glace compacte il fallut rapidement et avec précaution faire machine arrière. Puis un troisième sauvetage avec une goélette Emma  en chêne, forte et résistante à la mer , mais nous échouâmes à nouveau ballotée comme un bouchon elle était plus légère , la sous barbe fût brisée et la conduite d'eau de la machine touche la glace. Je ne pouvais pas prendre mon parti d'attendre inactif six ou sept semaines sachant qu'à six cent milles de là mes camarades enduraient de cruelles privations. Je demandais au gouvernement chilien d'envoyer le Yelco, le gouvernement ayant consenti, le 25 août , je partais au sud pour la quatrième fois, et la providence nous favorisa, la glace n'y séjournait plus, le Yelco approcha l'île dans un brouillard épais; la mer qui se brisait sur un récif m'indiqua que nous étions tout près de l'île. Enfin nous apercevions des hommes sur la plage, plusieurs étaient en piteux états, mais Nild avait su maintenir l'espoir vivant dans les cœurs .    Ernest Shackleton meurt un 5 janvier 1922 d'une crise cardiaque à bord de son bateau. Ainsi disparaît celui qui proclamait " Jamais je ne consentirai à abaisser mon pavillon!" Son corps rapatrié à Montevideo, est enterré en Géorgie du Sud selon les souhaits de son épouse .    

          Je remercie mon guide et ami Steph de m'avoir offert ce livre qui délivre un message , de ténacité , de dépassement de soi , d'endurance et d'instinct de survie