dimanche 21 janvier 2018

Le maître de midi de Chiristian Quesada avec Nicolas Torrent


Mes parents sont tous deux issus de familles espagnoles installées en Algérie département français à partir de 1889, ces Espagnols qui portaient l'Andalousie dans leur chair devinrent des pieds-noirs comme les autres. Lorsque mes parents se marient en 1950, ma mère travaille comme coiffeuse, mon père, lui travaille comme comptable pour la compagnie des tramways électriques d'Oran. En 1952; la naissance de Marc le premier de ses quatre fils, maman quitte son travail , pour accomplir la mission ancestrale que lui ont transmis toutes les femmes de la famille, faire tourner la maison, Roger, le deuxième fils viendra au monde un an plus tard et maman s'épanouit dans cette nouvelle vie. Sur le moment comme la plupart des pieds-noirs, mes parents ne saisissent certainement pas la portée de ce qu'ils entendent à la radio aux premiers jours du mois de novembre 1954 :"Heures troublées en Algérie où en plusieurs endroits du territoire une séries d'attentats ont été commis dans la nuit qui précède la Toussaint ; mes parents ne se sont pas imaginés, lorsque naît leur troisième enfant Patrick en 1958 que l'Algérie à déjà bien changée en quatre ans, il y a des quartiers où mieux vaut pas traîner le soir. A l'été 1962  mes parents se retrouvent entassés avec leurs trois marmots sur un paquebot débordant de pieds-noirs direction la métropole . Né le 20 mai 1964, je suis l'enfant de l'exil un "pied-vert"comme on disait à l'époque par référence à la couleur du nouveau drapeau algérien ; une expression qui raconte mes racines, dans un pays qui n'est plus le notre. Je suis le dernier de la lignée, et donc une fierté, la mascotte de la famille. On habite à Antony dans les Haut de Seine la banlieue sud de Paris, dans cet immense bâtiment qu'on appelle le grand L, les pieds-noirs replantent les graines de leur vie passée. Le samedi matin, papa prépare la paëlla qu'on mange chaude à midi et froide le soir, le dimanche c'est poulet rôti, et dans la semaine maman prépare toujours le couscous et les mantecados, ces parfums de semoule et de cannelle cuite sont mes premiers repères dans le monde des pieds-noirs ; toutes les femmes parlent comme Marthe Villalonga, quand aux hommes , leurs mots sont rares, quelques métaphores que j'entends de la bouche de mon père " Une main devant, une main derrière" "La valise où  le cercueil ! " Mon grand frère Marc m'apprendra à lire, écrire, compter, classer , lister ,relier ,analyser ,comparer et recommencer  ;tous les soirs, il s'assied près de moi pour m'apprendre à lire B et A= BA  P et A = PA Marc assumera ce rôle de précepteur durant toute mon enfance, avec un brio et une dévotion absolument hors du commun. L'été c'est le temps des retrouvailles chez ma tante et son mari qui ont deux enfants ils habitent à Perpignan dans un petit appartement au Moulin à vent, on s'entasse à dix dans la 404 bleue   de mon oncle jusqu'à la plage du Racou à Argelès sur Mer .Et lorsque Neil Armstrong fait son premier pas sur la Lune, je lis dans le regard de mes cousins et de mes frères une émotion que je n'avais jamais vu jusque là , cette émotion me fait prendre conscience que nous assistons à quelque chose d'historique le premier pas de l'homme sur la Lune, la conquête de l'espace, pour être sûr de ne pas l'oublier, je demande à Marc la date et l'heure exacte , nous sommes le 21 juillet 1969 , il est 3h56  du matin, et pour la première fois de ma vie , j'accède à "ce tiroir de rangement" au fond de mon cerveau ce plaisir de mémoriser ne fera que grandir. C'est une drôle d'aventure, le Dictionnaire, la première fois que je l'ai ouvert, j'étais tout petit, c'était le " Larousse", j'ai trouvé ça magique que quelqu'un ait pensé à regrouper tout les mots dans un même ouvrage ; alors j'ai commencer à le lire. Au collège l'histoire et la géographie vont me passionner, les cours de français aussi, mais pour tout ce qui touche aux sciences, ça se révèle plus compliqué, avec les maths, ce sera carrément la guerre! pourtant je suis très doué en calcul mental, je m'entends très bien avec les chiffres, mais les mathématiques pures, les théorèmes, les équations, les problèmes, tout cela m' horripile . J'ai enfin trouvé mon sésame, la clé pour lire le dictionnaire, il faut y aller doucement, j'ai jaugé le volume des pages pour chaque lettres, et j'ai réalisé qu'il ne fallait surtout pas commencer par le A; le A c'est 4 992 mots j'ai donc fait mon tri, et pour la première mise en jambe j'ai choisi le U 450 mots, ensuite je suis passé au N 13000 mots, j'en suis à peu près là; lorsque nous quittons la cité, l'appartement est plus grand au cinquième étage de la cité Guillebard, les deux aînés Marc et Roger ont chacun leur chambre , Patrick partage la sienne avec moi, et dans cette chambre, on a accès à une petite pièce, une sorte de cagibi sans fenêtre dans lequel on commence à stocker tous nos livres, très vite cet endroit devient mon territoire, j'y passe des heures le nez plongé dans mes livres, mon atlas mes albums et mon dictionnaire. Les définitions défilent sous mes yeux et m'emmène dans un voyage chaque fois différent, le Larousse devient ma nouvelle obsession ; il m'arrive même de lire autre chose, notamment le Quid . L'Histoire, la Géo c'est l’autoroute pour moi, je connais tous les pays,tous les fleuves, toutes les frontières, toutes les dates, toutes les statistiques, population, PIB, taux de natalités et mortalités, je suis imbattable; je ne suis pas le garçon le plus populaire du collège, je suis solitaire, je vis en parfaite harmonie avec moi même. En janvier , le Proviseur nous convoque mon père et moi pour nous annoncer mon exclusion définitive, c'est vrai que je sèche les cours pour aller au musée regarder des cassettes vidéos sur l'intelligence collectives des fourmis. Et que fait-on quand on n'a plus ni devoirs, ni horaires , ni aucune obligations, à première vu, rien, en fait je traîne beaucoup au centre Pompidou, et dans le quartier de la fontaine des Innocents, je fais le tour des disquaires, qui me dévoilent toute l'étendu du Rock progressif, et puis je reprends le Quid, je me passionne pour la partie qui traite les célébrités et je m'invente un jeu , en prenant une page au hasard, j'en récite à voix haute tout le contenu, je passe des nuits entières dans mon cagibi, et je fais tourner ma matière grise à plein régime, mon ambition? devenir incollable . Souvent en fin de journée,  je sors de mon cagibi, et je m'assied près de ma mère sur le canapé du salon pour regarder des chiffres et des lettres, contrairement à ma mère, je n'ai pas besoin de prendre des notes, je fais tout de tête et assez rapidement, je m'aperçois que je suis souvent meilleur que les candidats, je suis loin d'imaginer à quel point ce jeu vas chambouler ma vie. J'ai gagner un voyage à Las Vegas en répondant à un jeu à la radio, mais de retour à la maison l'ambiance n'est plus la même, mon frère Marc ne vas pas bien , il est dépressif , et finira par ce défenestré de notre cinquième étage, Marc m'avait tout transmis, en particulier sa quête d'excellence , je retourne dans mon cagibi, je suis en colère, comme si j'avais besoin de répondre à cette injustice, Marc m'avait donner le goût des mots, des fiches, de la gymnastique cérébrale, alors à ma manière je vais lui rendre hommage ; et sur la couverture de mon bloc notes j'écris en lettres capitales : BE THE BEST ! Ma Mission dans un premier  temps consiste à décortiquer tous les mots de la langue française, le moteur qui m'anime depuis le décès de Marc vas me  faire tenir quatre mois, sans lâcher la moindre page, et c'est en automne 85 que je vais me faire sélectionner aux jeu des chiffres et des lettres, puis je dois faire mon service militaire, lors des permissions il m'arrive de disputer un tournoi . A la fin de l'année j'ai l'heureuse surprise d'être convoquer par Antenne 2 pour le trophée des champions à Monaco , puis tout au long de l'année je vais participer à de nombreux jeux qui me permettront de m'installer seul dans un studio. c'est la débâcle, une trentaine de personnes vienne faire la fête presque tous les soirs, ils ont tous vingt ans , je fais la connaissance d'Alexandra et là je tout craquer pour elle, elle est accroc à la cocaïne . En juillet 2014 je suis à sec, j'ai plusieurs crédits conso sur le dos , je n'ai plus un seul ami, mon appartement est devenu une décharge, je ne sais plus à quand remonte la dernière fois où j'ai sorti les poubelles, les huissiers arrivent et je suis expulsé , où aller, je n'ai même plus de téléphone, je me retrouve à la rue; je suis entrain de somnoler quand mon voisin de paillasse "dégoupille" à cause d'une bière disparut, ça braille dans tous les sens, c'est ça  le plus désagréable dans la rue les embrouilles. Le destin va me faire un petit sourire, je retrouve mon copain Christophe mon copain d'armée, qui voyant mon état physique et vestimentaire comprends très vite que je suis en galère et l'air de rien il m'invite à passer quelques jours chez lui, il me file des fringues et une serviette pour que je puisse prendre une douche. J'ai retrouvé ma superbe, ma vie de clochard est bel et bien derrière moi, j'ai disputer six tournois  pour cinq victoires, je suis retourné chez mes parents, et j'ai retrouvé ma chambre d'ado, je me suis acheté un ordinateur, j'ai une quantité d'informations illimitées , plus besoin de tourner les pages  d'un livre pendant des heures. Je vais refaire des compétition , des chiffres et des lettres, dans quelques villes et c'est là que je vais rencontrer Emilie , ma femme, et que Clément naîtra le 26 août 2009 et c'est moi qui couperai le cordon, le 25 décembre 2010 naîtra Robin notre second fils, ma femme travaille et c'est moi qui m'occupe des couches, biberons,balades en poussettes . A quatre vingt six ans maman n'est pas au mieux de sa forme, papa nous à quitter en février 2012 , moi non plus je ne tiens pas la grande forme, mon couple n'a pas tenu, la différence d'âge peut être , les horaires de boulot décalés,ou simplement l'amour fané trop vite, notre divorce à été prononcer en mai 2012 après quatre ans de mariage. Je n'ai trouvé que des petits  boulots, je n'étais qu'un vieux quinquagénaire sans diplôme, je me suis retrouvé sans emploi, et surtout sans chômage, sans indemnités juste au RSA. Maman nous quitte le 8 mars 2015 , elle en profite pour me chuchoter  un dernier conseil à l'oreille toujours avec son accent de Marthe Villalonga , il faut que tu ailles à la télé pour les 12 coups de Midi c'est un jeu pour toi. C'est vrai qu'il n'est pas mal fichu ce jeu, des questions de cultures générales, avec une épreuve de rapidité en plus .Dans la salle de sélections nous sommes une bonnes soixantaines de personnes; " Bonjour je m'appelle Christian, je vais avoir cinquante un  ans , j'ai deux petits garçons, j'habite en Alpes de Hautes Provence." Deux mois après les sélections, je reçois un coup de fil de la production, bonne nouvelle je suis pris, hélas on m'annonce aussi que je suis pas convoqué avant l'année suivante, sans date précise. Enfin je décroche un CDD  d'un mois à ALDI un poste à tout faire. Fin mai on m'appelle, je suis euphorique, il me faut de l'argent pour monter à Paris, et me munir de huit tenue différentes pour pourvoir en changer à chaque émissions enregistrées; Emilie et  Roger mon frère me prête de l'argent, juste avant de partir je cherche l'alliance de Maman, je la mets à l'auriculaire de la main droite depuis son décès , je m'agace, je ne la retrouve pas, et puis en rangeant mon sac , je la trouve là, c'est un miracle, c'est un signe je m'endors sereinement .210 412 euros de cadeaux çà fait une sacré liste au Père Noël, j'ai gagné sept voitures moi qui n'ai pas le permis , et un chèque de 599 250 euros quand on à connu la misère ça change sa vie .