lundi 3 mars 2014

Au village de mon enfance de Arthur Conte



Il s'appelle Salses il a deux milles ans, il est situé sur le contre fort des Pyrénées Orientales tout au ,nord du Roussillon face à la frontière du Languedoc à quinze kilomètres de Perpignan ;"j'y nais le 31 mars 1920, je suis donc d'abord Catalan, j'apprendrai le français à l'école, encore en 1994 je continuerai à penser en Catalan, rêver en Catalan, compter en Catalan oun, dos, très .... toute ma vie quand je roulerai dans ma tête, le programme de ma semaine, c'est en Catalan que je prononcerai le noms des jours ,dilluns, dimants, dimescres, dijous, divendres, dissabte, diumenge ; feindre de dédaigner ou de récuser un ancêtre, un signe, ou une enfance, c'est se déserter, c'est se fuir.Je suis le fils d'un ouvrier viticole, mon père s'appelle Pierre Conte, c'est une force exceptionnelle, un large visage cuivré, un regard net avec un crâne tout rond posé sans cou sur un corps tout en vigueur et énergie, ma mère à l'opposé est toute en fragilité, des yeux de biche, un long visage triangulaire, grande plus grande que mon père  elle s'appelle Marie-Thérèse née Parazols elle à de longues mains que j'admire inlassablement quand elle tricote. Mon village est doté d'une forteresse à épaisses murailles que nos bons touristes ne manquent pas de visiter le château fort de Salses, elle fut dessinée par un ingénieur espagnol de génie Ramirez achevée à la fin du XVième siècle pour la première fois on bâtit une forteresse au pied de la colline et non au sommet, tel un fauve tapit couché à l'affût pouvant mieux surprendre de toutes ses griffes; Espagnols et Français se la prirent et reprirent au moins dix sept fois jusqu'à que vînt le traité des Pyrénées, négocié par Mazarin en 1659 date à laquelle le Roussillon bascula dans le domaine des rois de France, il reste qu'elle est belle, non seulement bâtie par ce Ramirez, réparée par Vauban qui lui imposa ses larges fossés et ses remparts en étoiles.Nous habitons une petite maison à deux étages, place de la république, tout près d'une fontaine communale, mon grand-père s'appelle papa Arthur et à qui je dois directement mon si beau prénom en  Catalan on prononce Arrrthurrr c'est comme on dit chez nous un petit propriétaire, il est le fondateur de la cave coopérative de vinification; ici on danse la sardane c'est une ronde mystique, elle est vouée à la célébration des beaux jours, à plein ciel, c'est pourquoi elle ne doit être dansée ni en hiver ,ni la nuit, ni sous un toit  la cobla ( orchestre catalan) jouant des instruments en bois de cerisiers, donne une musique nasillarde qui évoque cigales et grenouilles tantôt sautillantes et vive comme nos reinettes tantôt alanguie et dolentes comme une plainte d'un grillon amoureux ; tout danseurs peut entrer dans la ronde, qu'il soit vieux, jeune, homme, femme ,riche  ou pauvre elle est la joie de vivre au rythme de l'éternité Mon enfance  sera rythmé par ses sons , mes jeux avec mes cousins je cours à travers les bosquets de pins où la colline de lavande à travers les marais nous piégeons les tanches, nous piquons les grenouilles à la foene dans leurs ruisseaux, en barque au large de la pointe du pêcheur nous crochetons les anguilles. Voici le temps d'aller à l'école le 1er octobre 1925 M. Creux reste dans mon souvenir le maître modèle, les instituteurs m'enseignent le métier d'analyser ou de synthétiser alors que ma grand-mère me lègue le mystère et les vrais secrets des écrits catalans marqué par ses contes au coin du feu.
Puis je vais au collège à Perpignan, j'entre aussi dans l'équipe fanion de Salses dans l'équipe de rugby, j'y prends mes premières leçon de guerre, je ferais aussi des études supérieure à Montpellier, je découvre mes auteurs préféré Stendhal, Baudelaire, Dostoïevski, Bergson, Fustel de Coulanges."
Le petit catalan va devenir un grand homme, il sera journaliste, après avoir été rédacteur en chef du journal d'information de Perpignan, l'Indépendant, il écrira dans les plus grands journaux de Paris, élu maire de Salses en 1947 pendant 26 ans il sera vice-président de la commission étrangère, il siégera au conseil des ministres, il effectuera plusieurs mission secrète pour le général De Gaulle, il présidera l'ORTF (Office de Radio Télévision Française), c'est lui qui lancera le 1er janvier 1973 la troisième chaîne TV, il fera de nombreux voyages, deviendra historien, conférencier; après plus de soixante dix années de vie souvent intense, il aura appris un certaine philosophie qui n’appelle que sérénité, mais au plus chaud de son cœur resteront les images de son enfance, le Mont Canigou veillant sur les vergés, les platanes que secoue la tramontane, la famille autour d'un ouillade qui fume.
M. Arthur Conte nous a quittés le 26 décembre 2013 à l'âge de 93 ans.