jeudi 29 décembre 2016

Les Dames de Paulilles de Nicole Yrle





A quelques encablures du Cap Béar,  nichée entre Banyuls et Port-Vendres, la baie de Paulilles, joyau de la Côte Vermeille, recèle tout ce pan d'histoire du Roussillon.  Quatre générations retrace dans ce livre le quotidien des femmes de Paulilles, à la fois humble et nobles confrontés au mépris de quelques intérêts particuliers et à la violence d'un XXème siècle traversé par les guerres. Marie épousa Augustin qui travaillait à la dynamiterie , mais il dut partir au front, et elle du faire comme sa mère et sa grand-mère  travailler aussi à la dynamiterie le sort de la guerre en avait décidé, elle serait encartoucheuse, les bâtiments légers, reliés par des tunnels et isolés les uns des autres par des merlons; ces levées de terres protectrices.Plusieurs ateliers d'encartouchage étaient alignés le long des trois allées, Marie enfila une longue blouse en toile , chaussa des sandales à semelles de corde, gagne l'atelier qui allait devenir son quotidien, l’exiguïté la surpris presque carré, il ne mesurait pas plus de quatre à cinq mètres, du plomb et du bois partout, une épaisse couche de sciure sur le sol,  pour la sécurité,  explique Madeleine sa mère, laconique, faut pas qu'il y ait d'étincelle, tu vois il faut être deux, une qui bourre et une qui ferme, la poudre était fine comme de la farine et Marie comprit pourquoi on parlait de pétrin comme dans une boulangerie! Ouvriers et ouvrières, tous parlaient de " matière" et non de dynamite. Ceux qui la manipulaient devinaient-ils d'instinct qu'elle tirait son nom de la "puissance" grecque? en tout ils savaient quelle était dotée d'un pouvoir destructeur sans rapport avec son apparence. Les mois  et les saisons passaient, la guerre , dont on avait cru quelle serait de courte durée, semblait devoir s'éterniser ; les échos de terribles batailles glaçaient d'effroi toutes les familles. A l'usine , les départs successifs des hommes avaient dégarni de nombreux postes, il fallait recourir à une main d'oeuvre  de remplacement; et l'on vit arriver à Paulilles de nombreux ouvriers espagnols, surtout des Castillans; l'amertume était perceptible sur les visages fermés et dans les paroles presque agressives." On se demande à quoi on sert la-bas et ici on serait de trop," dit Augustin la mine sombre, il venait d'arriver pour une petite semaine on était en février 1916, les permissions étaient rares et plus courtes, Marie ne reconnaissait pas son  Augustin, lui si gai, si bavard,  il était devenu taciturne. A la dynamiterie, les nouveaux venus monopolisaient l'attention; les Catalans du Sud apportèrent leur exubérance  naturelle , un jour ou un contingent d'Annamites fit son entré à Paulilles  encadrés d'une escorte de tirailleurs Sénégalais, l'étonnement se lut sur tout les visages. On avait vaguement entendus parler de l'arrivée imminente de coloniaux mais on ne s'attendait nullement à ces drôles de petits hommes jaunes coiffés de curieux chapeaux en forme d'arapèdes! Les Annamites furent rapidement attelés à des tâches dont ils avaient pas la moindre idée ; la poudre fabriqué était destinée essentiellement aux mortiers de tranchées . On prit l'habitude de côtoyer  les Annamites certains d'entre eux connaissaient un peu le français mêlés de catalan, parce qu'ils déjà au cantonnement d'Olette pour la construction d'une route dans le conflent. Marie, Augustin elle ne l'oubliait pas, elle était s'en nouvelle de lui, sa dernière permission il l'avait passée à dormir, elle l'avait trouvé hagard, plus absent que jamais il était repartie s'en la touchée, pratiquement s'en la voir. Des rumeurs couraient, un responsable technique rapporta que lors d'un incendie auquel il avait assisté plusieurs Annamites s'étaient retrouvés les pieds collés au sol et avaient été atrocement brûlés, certains s'étaient  transformés en torches vivantes. Des explosions et des incendies ils s'en produisaient aussi dans les ateliers de lavage de la nitroglycérine . Marie croisa Dan, elle éprouvait de plus en plus de sympathie et de compassion pour cet Annamite. Marion petite fille de Marie pénètre avec sa mère Maria dans le tunnel envahi d'un brouillard  cotonneux; elle tenait sa fille par les épaules et la guidait devant elle, beaucoup d'ouvriers et d'ouvrières empruntaient quotidiennement cet itinéraire dangereux pour rentrer chez eux plus vite. Marion devenu une très jolie jeune fille qui aurait du vivre son adolescence dans l'insouciance à la fin des années cinquante  va vivre la dernière grande tragédie meurtrière de Paulilles. Maria était chez elle quand les carreaux tremblèrent, des débris de verre tombèrent par terre, un énorme champignon se forma aussitôt au-dessus de la dynamiterie. Dehors, des gens affolés courraient en tout sens, Maria allait de l'un à l'autre,il y a des blessés ?  vous avez vu mon mari , mon fils, Maria croisa deux femmes hébétées, que le souffle avaient complètement déshabillées, enfin elle vit venir  vers elle son fils , indemne mais choqué, il la conduisit auprès de son mari Etienne blessé , son visage couvert de sang, des éclats de verre incrustés dans la chair, sa blessure à la cuisse très profonde et il avait perdu plusieurs doigts à la main droite, on avait entendu l'explosion depuis Banyuls . J'habite là hurla Marion qui venait de se frayer un passage, le portail s'ouvrit soudain pour laisser passer une seconde ambulance, Marion craqua, elle s’effondra, pleurait et murmurai des mots s'en suite. A Paulilles, les habitants présents sur le site de l'explosion n'arrivaient pas à se remettre. De nombreux changements s'en suivirent; à commencer par le déménagement de toutes les familles qui habitaient encore à proximité de l'usine, elles rejoignaient dans de nouvelles casernes celles qui vivaient de l'autre côté de la route près de la voie ferrée  Marion qui n'avait que seize ans eut l'impression d'abandonner son enfance, l'explosion de 58 demeura dans les mémoires. Marion perdit son père il n'avait que cinquante ans; elle travailla  à la dynamiterie  elle n'eut pas son pareil pour rouler en un tour de main la cartouche en papier, ou pour la bourrer prestement. Au début des années 60, l'activité de l'usine fut en effet intense, c'est ainsi que Paulilles fabriquait et expédiait  des explosifs pour la construction du tunnel  du Mont-Blanc qui s'étala sur sept ans. Marion épousa François elle avait vingt huit ans quand sa fille Marine naquit ; Maria devenu grand-mère  eut l'impression de jouer à la poupée, Marion put reprendre son travail, la population de Paulilles ,se réduisit comme peau chagrin, une grève éclata, on réclamait de meilleurs salaires. Marine elle avait dix sept ans , quand l'usine avait fermé , trois ans plus tôt , elle était toute contente d'habiter en ville à Banyuls. Un jour de pluie, Marine s'ennuie et monte au grenier, contre le mur  se trouve une grande  malle  qui appartenait à sa grand-mère, elle découvre des livrets militaires ,portefeuilles et portes cartes en cuir usés tous vides, deux paquets de lettres attachées ensembles , au fond de la malle un grand cahier attire son attention, il est épais c'est un herbier ! il sent le moisi, en le retournant des feuilles éparses sur le sol , elle découvre des dessins sans signatures, sans dates, elle reconnait la baie de Banyuls c'est l'arc de sa plage, celle de Port-Vendre; soudain elle reçoit un choc, le sourire éblouissant d'un jeune homme occupe toute la page, l'expression de la joie à réduit les yeux à deux minces fentes étirées jusqu'au tempes, les cheveux raides et sombres, le nez presque épaté achève de donner à l'ensemble du portrait une physionomie orientale, Marine est troublée, elle devine qu'une vérité ancienne à été enfouie; Qui est-ce? demanda la jeune fille en brandissant le portrait à sa mère; c'est un Annamite, je sais Maria appelé par ses proche "Iaia" m'a parlé des Annamites qui travaillaient à Paulilles . Marine pousse la porte de sa grand-mère  appelle Iaia ou es tu? c'est maman et moi ! la grand mère sort de sa chambre, souriante et légère, elle est minuscule à côtés de sa petite fille qui doit se pencher pour l'embrasser; elle montre le dessin à sa grand-mère, d'un coup le visage de Maria se ferme, se durcit, les lèvres pincées, elle se détourne, sans prendre le dessin entre ses mains. Marion raconte que sa grand mère Marie lui avait confié le secret de Dan le père de Maria qui mourut dans un incendie, et quand son mari rentra de la guerre , il accepta l'enfant qui ressemblait trait pour trait à l'Annamite. Marine lui ressemblait aussi avec ses cheveux noirs raides , ses yeux en amandes , et son sourire éblouissant.