jeudi 16 juin 2016

Terre courage de Djalla-Maria Longa





Nous sommes à Massat, au coeur de l'Ariège, de nombreux jeunes hippies ont choisi de s'installer dans ces hameaux du bout du monde, le relief, la rigueur du climat rende le quotidien particulièrement difficile  . Ainsi, l'effarement fut total, quand ces gens si rudes , virent débarquer, au début des années soixante dix de jeunes contestataires, en rupture avec les villes rejetant toutes règles, et contraintes. Enfants d'une révolution lointaine Paris en mai 68, voire plus lointain  pour certains mouvement hippies californien , ils refusaient les artifices citadins, mais ignoraient tout des lois les plus élémentaires de la nature; inconnu du pays, inconnus au pays  au sein d'une nature puissante que tant d'autres avaient fuie , c'était beaucoup , beaucoup d'effort à fournir; incapable de se nourrir, ils volèrent les poules et les lapins des paysans,  scandalisés les villageois commencèrent à les regarder de travers et  à les mépriser tous , sans distinction ; puis les choses se sont calmé, mais certain villageois était encore sur leur garde , comme ce couple vivant à l'entrée du village, ils étaient aigris et méfiants , ils regardaient les cheveux longs avec mépris, un jour Janine dit à son mari " tu te rends compte; il vas louer les cabanes à des voleurs sans foi ni loi; " "Des peluts chez nous?" Bah cesse donc de t'énerver et attends de les connaître , pardi ! répondit prudemment le mari, ce sont des bons à rien à coup sûr !Des faiénants dont nos montagnes avorteront au premier grand froid ! Les cabanes étaient situés au dessus du village et l'on y accédait par un étroit chemin de terre. Au marché, sur la place on riait car contrairement aux prédictions de Janine, l'hiver n'avait pas fait fuir les nouveaux venus. Puis d'autres vinrent s'installer , Pierre un gersois qui acheta la ferme des Rieux, le vieux paysan qui lui à vendu est surpris , car le terrain est pentu et dangereux, il ne pourra rien travailler, si ce n'est à l'ancienne, mais tout heureux de voir revivre la maison de son enfance, le paysan ne cessa d'apporter son aide ,et partager ses secrets de bâtisseur ,il avait transmis au novice bon nombre de savoir  faire indispensables à la vie à une ferme de montagne, comme battre la faux , observer le ciel, choisir le jour de fauche etc....Louis était heureux, il estimait Pierre  "Ah se disait -il si tous les jeunes gens se ressemblaient nos terres ne seraient pas en friches. Une année , l'hiver fut plus rigoureux, un bon mètre recouvrait le sol,on en avait jusqu'au nombril, plus de chants d'oiseaux, seul quelques  craquements sinistres de branches brisaient parfois le silence; Mila Dious! qu'allaient devenir nos vaches, coincées là haut par au moins deux mètres de neige? Les toits des granges tiendraient t-ils?Ils se saisirent de pelles, tracèrent un passage dans la neige qui montait jusqu'à la poitrine,la sueur dégoulinait de leur front mais ils allaient obstinés , sans la moindre plainte, soucieux de leur bétails, les dix derniers mètres furent les plus difficiles , les bâtisses méconnaissables étaient ensevelis sous la neige,ils furent rassurés par les sourds meuglements des bêtes qui rouspétaient. La vie reprenait peu à peu dans la vallée  avec tout ces jeunes qui s'installent,ils sont une dizaine de familles,les jours de marché c'est folkorique  , assis en rang d'oignons, sur un long banc de pierre attenant à la façade de l'église , les anciens fixaient tantôt médusés,tantôt gouialleur, les groupes  de néo, cheveux virevoltants, habits multicolores, certains avaient une guitare, d'autres tenaient un étals d'artisanat ou de produits de leur jardin. Les années avaient passées et Josette âgée de quatre vingt dix huit ans, observait toujours ,une larme à l'oeil , la vallée de son enfance, elle pouvait être tranquille sa vallée était repeuplée. Mais il ne restait plus grand chose  de l'ambiance des année soixante dix ; les témoins de cette époque n'était plus qu'une douzaine. Toute une nouvelle génération, pour qui l'idéal hippie n'avait que peu de sens.Des gens en quête de tranquillité et de nature les avaient remplacé pour acquérir quatre murs dans ces vallées du bout du monde. La guéguerre entre anciens et nouveaux est bien finie; ceux là même qui se battaient dans la cour de récréation,en se traitant de hippies crasseux ou de fachos . Je crois que nous avons appris à nous connaître, pardi! au tout début on était sur nos gardes, c'est normal les gens c'est comme les champignons, il y a de tout, des bons et des mauvais, nous étions méfiants, non prudents ! rectifie Janine, le dos voûté , appuyé sur son bâton.