jeudi 5 mai 2016

Courir ou mourir de Kilian Jornet






Kilian Jornet né en 1987 est un sportif professionnel espagnol, spécialiste  de ski alpinisme , d'ultra- trail  et de course en montagne. Ses parents vivaient dans un refuge à 2000 mètres d'altitude sur le versant nord de la  Cerdagne, entre les sommets frontaliers de la France et d'Andorre, son terrain de jeu n'a jamais été une rue, ou une cour mais les bois de la Cap del Rec, les pistes de fond et les pentes de la Tossa Plana c'est là qu'il commence à découvrir le monde de la nature ; tous les soirs avant de se coucher, avec sa soeur, sa mère ils sortaient faire une promenade en pyjama dans le bois; sans lampe frontale, et ainsi peu à peu leurs yeux s'adaptaient  à l'obscurité et leurs oreilles au silence , ils écoutaient vivre le bois et devinaient les mouvements du terrain sous leurs pieds. Dès l'âge de trois ans Kilian avait avec ses parents atteint le sommet de la Tossa Plana( 2916 mètres) de Pérafina (2752 mètres) le pla de la Muga(1186 mètres) et aussi le pic d'Aneto(3404 mètres) " J'ai gravi mon premier sommet de 4000 mètres à sept ans, le Breithorn (4164 mètres) en Suisse et nous avons fait la traversée des Pyrénées en quarante deux jours  quand j'avais dix ans nous devions ma soeur et moi découvrir le chemin par nous même, en cherchant la signalétique, les informations, et comprendre pourquoi il passait par ici et non par là.  C'est ainsi qu'à l'âge de dix huit ans, je choisis de m'entraîner aux ski de montagne, je vivais dans un studio de dix huit mètres carré dans la Grand hôtel de Font Romeu, j'étais en collocation avec un ami . Les enregistrements  et analyses des courses  des plus grands skieurs alpinistes de l'époque; les regarder avant de nous entraîner nous apportaient la motivation d'y aller à 200% et tenter d'imiter les virages de Stéphane Brosse où le planté de bâton de Guido Guicomelli ; notre vie  tournait autour de la compétition , nous dormions et mangions juste ce qu'il fallait pour pouvoir nous entraîner pour pouvoir participer aux compétitions. Tout ce que nous gagnions bourses ou primes de compétitions servait à payer le loyer et à acheter du matériel plus performant ; on changeait régulièrement de magasins pour acheter nos chaussures de ski de honte de montrer que nous en étions à la quatrième paires en un mois. Ce sont des journées, de plaisir et de bon temps, de découverte de nouvelles vallées, de partage et d'entraînements avec les amis, mais il y avait aussi de mauvais jours durant lesquels il faut courir sous une pluie battante, dans le froid ou dans la boue lorsque le corps épuisé, supplie de pouvoir rester au lit. Ce sont aussi de nombreuses journées de solitude, répétitives, avec pour seule compagnie la musique de l'ipod et quelques chamois curieux de vous voir monter et descendre. Alors semaines après semaines, jour après jour je cherche de nouveau objectifs plus excitants pour satisfaire les exigences  de mon corps .Les championnats et les coupes du monde et d'Europe,  les championnats d'Espagne, des courses prestigieuses en hiver et en été. Dans ces moments là , il n'existe rien d'autre que la course; la course c'est la vie, et cette vie se termine au moment de franchir la ligne d'arrivée; l'après n'existe pas, mes jambes sont à bout de force, ma respiration se coupe  à chaque pas, alors que j'essaie de minimiser chaque impact, je ne pense plus à rien, j'ai la tête vide, je continue juste à chercher les émotions que j'ai envie de ressentir à nouveau, et quand elles envahissent mon esprit, mes jambes s'accélèrent , elles s'emballent entre rochers et racines, mon coeur bat plus fort, il n'y a plus ni pieds, ni genoux à préserver, il n'y a plus de force à conserver, mon corps à atteint la limite supérieure de sa vitesse potentielle, et mon esprit la limite de sa concentration afin de m'épargner une chute à chaque pas . Finalement, malgré mes craintes, les tests étaient parfaits, avec des paramètres m'indiquant que je n'avais pas récupéré de la fatigue des dernières courses; c'est ainsi que sous les encouragements de l'équipe nous nous sommes lancé  dans la traversée des Pyrénées, en empruntant ses vallées et ses sommets et en suivant la frontière Franco-Espagnole nous reliant de l'Atlantique à la Méditerranée. Pendant  huit  jours , étapes après étapes, les problèmes rencontrer les premiers jours de la grosse quantité de neige en altitude nous ont amenés à changer d'itinéraire plusieurs fois  et à rallonger notre trajet , je souffre d'ampoules au talon, mes genoux commencent à tirer et mes muscles se fatiguent ,sans parler de mon coeur, mais une fois arrivé au village de Tor il me lâche, plus d'énergie, mon corps n'ai ni lourd ni léger, il est simplement vide, j'essaie de manger un peu, mais mon estomac se révolte, je n'ai pas la force d'ouvrir la bouche, ni celle de parler à environ cinq kilomètres de dénivelé se trouve l'Andorre, je connais le chemin, mes jambes me mènent droit aux sentiers et aux raccourcies tant de fois parcourus , je suis chez moi au bord du lac des  Bouillouses , le lendemain me voici à nouveau en train de courir sous les parois du Canigou derrière moi le soleil  darde ses derniers rayons entre les crêtes du Carlit, pour la première fois  depuis que j'ai quitté l'Atlantique il y a sept jours, je vois à nouveau la mer. Se réveiller au refuge des Cortalets à 200 0 mètres au dessus de la mer est une véritable motivation, je me remets à courir en sachant que ce matin est le dernier, c'est un soulagement énorme après une longue descente en arrivant à Arles-sur-Tech je me sens prêt à affronter les cent derniers kilomètres qui me restent ;huit jours et trois heures après avoir quitter les eaux du Cap Higuer, mes pieds foulent le sable des plages deLlanca avant d'entrer dans l'eau salée de la Méditerranée. La pluie d'Eiva, la neige de Goriz, les fougères du pays Basques,Tor, Andorre la chaleur, le froid, les ampoules, la joie, la souffrance. J'aime sentir le goût du sang dans ma bouche lorsque je dispute un relais ou une course verticale en ski alpinisme tout comme j'aime la sensation de vide dans une course de longue distance. Chacune de ces expériences me fait découvrir une partie de moi. Il y a cette ascension et la descente du Kilimandjaro  une de mes plus importante et pleine de souvenirs intenses, après un contrôle médical pour mesurer la saturation en oxygène de notre sang, notre fréquence de respiration et notre pouls pour vérifier que nous nous adaptons correctement et éviter le mal des montagnes, l'atmosphère est totalement différent de ce du reste du monde, c'est un peu comme un retour à nos origines, la nature impose ses lois et l'homme doit s'adapter pour y survivre, nous avons passé une semaine dans des campements pour nous acclimater ; l'agilité des porteurs qui slaloment entre les blocs de roche volcaniques et d'énormes racines, avec des sacs d'environ 20 kg en équilibre sur la tête est ahurissante depuis les premiers jours je me suis bien adapter , je n'ai jamais eu mal à la tête,et j'ai pu courir facilement en 4000 et 5700 mètres d'altitude, il semble que mon corps réagisse bien au manque d'oxygène. Je suis resté bouche bée devant l'ombre du Kilimandjaro que projetait le soleil à 4000 mètres sous mes pieds l'ombre dessine un triangle parfait assombrissant le voile d'or  brillant qui auréole la montagne, nous avons l'impression de survoler le continent africain ;où que nos yeux se posent, il n 'y avait que le ciel. Le jour de la course je me lance à fond sur le chemin rocailleux devant moi se dresse la paroi imposante du Kilimandjaro 200 mètres de roche verticales , d'où dévalent quelques rares glaciers, de là j'ai de nouveau l'impression qu'il m'est impossible d'atteindre le sommet en trois heures et quelques, car jusqu'au bout je dois me remettre en question, impossible de me concentrer sur mon corps, ni sur le rythme , ni sur le paysage alentour, je veux juste m'extraire de ce vide, mais je ne peux pas m'arrêter, j'ai l'impression d'avancer lentement ,mes jambes sont lourdes et molles, on dirait qu'elles pèsent 100 kg chacune, puis je me remets à trottiner doucement, le terrain est moins pentu ce qui me permets de récupérer et de me libérer du poids qui alourdissaient mes jambes,je m'arrête quelques minutes au sommet , j'en profite pour contempler encore une fois la vue époustouflante , je me prépare à descendre sans m'arrêter jusqu'à 4500 mètres plus bas , mes jambes sont légères et mes pieds se posent exactement là où mon cerveau l'ordonne , il n'est même plus question de courir, je m'apprête à voler, je saute entre les gros rochers, je vais vite et en un peu plus d'un quart d'heure, j'ai parcouru 1000 mètres de dénivelé négatif, les pierres, les murs, le sable et les plantes défilent sous mes semelles, j'accélère de toutes mes forces, j'allonge la foulée, mes pieds touchent à peine le sol, je regarde ma montre 7h 14 j'y suis , un dernier effort , des gens crient, j'aperçois la ligne signalant la fin de la course je ressens une émotion immense. "Sommes nous fait de chair et d'os ou bien fait de sentiments et d'émotions? Qu'est ce que la vraie vie ? Celle de notre corps ou de notre esprit, parfois je pense que nous avons des vies parallèles qui s'alimentent naturellement. Le  bonheur est le but de tout être humain et il l'atteint à travers son ressenti : de petits plaisirs, de grandes conquêtes,des émotions fortes, des amours et du dépassement de soi , qu'il se traduise dans son corps, dans son imagination, ou qu'il soit redéfini par sa mémoire.