samedi 17 novembre 2018

La guerre du feu de J.H Rosny Ainé



Ce voyage dans la très lointaine préhistoire aux temps où l'homme ne traçait encore aucune figure sur la pierre, ni sur la corne, il y a peut être cent mille ans . Les Oulharmrs fuyaient dans la nuit épouvantable , fous de souffrance et de fatigue; le Feu était mort ; ils l'élevaient dans trois cages, depuis l'origine de la horde; quatre femmes et deux guerriers le nourrissaient nuit et jour, sa face puissante éloignait le Lion noir et le Lion jaune, l'Ours des cavernes et l'Ours gris , le Mammouth, le Tigre et le Léopard; ses dents rouges protégeaient l'homme contre le vaste monde ; toute joie habitait près de lui , il tirait des viandes une odeur savoureuse, durcissait la pointe des épieux, faisait éclater la pierre dure, il rassurait la horde dans les forêts tremblantes, sur la savane interminable, au fond des cavernes.C'était le Père, le Gardien , le Sauveur plus farouche cependant, plus terrible que les Mammouths, lorsqu'il fuyait de la cage et dévorait les arbres. Il était mort ! l'ennemi avait détruit deux cages, dans la troisième pendant la fuite , on l'avait vu défaillir, pâlir et décroître, il s'était évanoui et les Oulhmars fuyaient dépouillés dans la nuit d'automne . Fuouhm leva les bras vers le soleil du matin, avec un long hurlement : Que feront les Oulhmars sans le Feu ? Criât-il, Comment vivront-ils dans la savane et la forêt , ils devront manger la chair cru et la plante amère , ils ne réchaufferont plus leurs membres, la pointe de l'épieu demeurera molle . Le Lion, la Bête aux Dents déchirantes , l'Ours , le Tigre , la Grande Hyène les dévoreront vivant dans la nuit ; alors Naoh, fils du Léopard, se leva et dit " Qu'on me donne deux guerriers aux jambes rapides et j'irai prendre le Feu chez les fils du Mammouths où chez les Dévoreurs d'Hommes , qui chassent au bord du double fleuve; Faouhm n'a qu'une langue , si tu ramène le Feu tu auras Gammla  pour femme c'est la mieux construite parmi les filles , elle sait porter une biche sur son  épaule , marcher sans défaillir du soleil du matin  au soleil du soir, apprêter la peau des bêtes, traverser un lac à la nage; elle donnera des enfants indestructibles , la fille du marécage servira celui qui nous rendra le Feu; la horde veut qu'il en soit ainsi .Naoh, Gawn , Nam marchèrent tout le jour sur la savane, les guerriers se nourrissaient de chair crue , ce fut un repas chagrin, Naoh prit les premières veilles , il distinguait au loin le glapissement du chacal, le rire de la hyène, la hurlée des loups , cette vie n'était pas gratuite, mais dure et pleins de menace, tout ce qui la construisait pouvait la détruire , elle ne persistait que par la vigilance, la force, la ruse , un infatigable combat contre les choses Naoh guettait les ténèbres , les crocs qui coupent, les griffes qui déchirent, l’œil en feu des mangeurs de chair , beaucoup discernaient dans les hommes, de bêtes puissantes et ne s'attardaient point. Une lune avait passé , depuis longtemps Naoh avançait toujours vers le sud, avait dépassé la savane, il traversait la forêt, sur ce territoire redoutable, les Nomades découvrirent la nourriture en abondance, ils trouvèrent aussi une cavité si étroite qu'ils durent s'aplanir au sol pour y rentrer, Naoh s'allongea dans l'herbe et tournant la tête entra sans effort, c'est abri était plus sûr, car les blocs étaient si lourds, et si durement  incrustés qu'un troupeau de Mammouths n'auraient pu les disjoindre, la perspective d'une nuit parfaite réjouit les Nomades,ils pourraient se rire de tous les carnivores, ils mangèrent de la viande crue d'un faon, avec des noix cueillis dans la forêt; Mais le Lion  Géant arriva sur le territoire, lorsqu'il s'approcha, il sut que la proie était là, et l'espoir accéléra  son souffle, les Oulhmars considéraient avec une palpitation la haute silhouette du carnivore, quand il arriva devant l'orifice par où s'étaient glissés les hommes, il se baissa , il tenta d'introduire sa tête et les épaules, il se mit à gratter la terre quoique le Lion Géant ne fut pas un animal fouineur, il savait élargir une issue ou renverser un obstacle, sa tentative consterna les hommes, si bien que Naoh s'accroupit  et frappa de l'épieu , le fauve atteint à la tête, poussa un rugissement furieux et cessa de fouir, il se remit à rôder, tâtant les issues, toujours il revenait à celle où s'étaient introduit les hommes, il recommença à fouir, un nouveau coup d'épieu interrompit sa besogne et le fit reculer, après une dernière inspiration et un dernier regard, il sembla ignorer l'existence des hommes ,il se dirigea vers la forêt. Quand le matin erra sur la terre, le Lion Géant et la Tigresse étaient toujours là, ils sommeillaient auprès de la carcasse du daim, dans un raie de soleil pâle et les hommes ensevelis sous le refuge de pierre ne pouvaient détournés leurs yeux des voisins formidables, le Lion Géant et la Tigresse ne seront pas toujours ensemble, la faim les séparera, quand le Lion sera dans la forêt , nous combattrons avec la Tigresse mais Nam et Gawn doivent obéir à mon commandement, . La Lune coula dans les ramures , si la force de Nam et de Gawn étaient comparable à la sienne , Naoh aurait peut-être risqué l'aventure, il souffrait de la soif , Nam en souffrait davantage encore, le retour de la Tigresse le fit réagir elle ne ramenait pas de proie, elle semblait lasse, le Lion Géant s'était levé , et se mit en chasse à son tour, Naoh toucha l'épaule de ses compagnons et lorsqu'ils furent debout, il murmura il faut combattre , les jeunes guerriers s'étaient assurés que leurs armes étaient en état, Naoh commença à pousser son harpon et sa massue, elle arriva sur les trois hommes comme un bloc, Gawn  s'écroula atteint d'un coup de griffe sur la mamelle, mais la pesante massue de Naoh avait frappée, la Tigresse hurlait une patte rompue, tandis que Nam attaquait avec son épieu, la massue s'abattit encore, hurlant de douleur le fauve eut un vertige qui permit au nomade de se dégager et de disloquer la deuxième patte. Naoh a rompu les pattes de la Tigresse, Nam et Gawn ont bien combattu , nous ramènerons le Feu ! Dix jours avaient passés depuis le combat des nomades et de la Tigresse, le Lion  Géant partit en chasse son absence serait longue, les Oulhmars étant remis de leurs blessures auraient le temps de franchir la rivière, la bruine favoriseraient leur retraite, elle détremperait la terre, elle effacerait l'odeur des traces, Le Lion Géant est au bord de la rivière ! ils hâtèrent leurs marche, maintenant les rugissements se suivaient saccadés, stridents, plein de colère, les nomades comprirent que la bête courait à travers leurs traces enchevêtrées , leurs cœurs battaient contre leurs poitrine; ils marchèrent très longtemps, les Oulhmars s'arrêtaient pour saisir les bruits et les senteurs. Depuis trois jours , ils suivent la piste des Dévoreurs d'Hommes, ils tuèrent des chacals pour tromper les Dévoreurs d'Hommes , car l'odeur des chacals est plus puissante que la leur, Naoh apparut dans la pleine lumière, fit un bon de Léopard, tendit la main et saisit le tison, avant qu'aucun Dévoreurs d'Hommes n'eut pris sa course, Naoh avait dépassé la ligne par ou on pouvait lui couper sa retraite, poussant un cri de guerre, les Kzams le suivaient éparpillés avec des grognements de sangliers, malgré leurs jambes courtes, ils étaient agiles, mais pas assez pour atteindre Naoh . La braise rouges'était rétrécie, elle se fonçait, elle se ternissait, voilà qu'à peine conquise  elle était morte. Ils se réfugièrent près du Grand fleuve Naoh vit un mammouth énorme qui les regardait passer , il y avait une mare ou poussait des nénuphars, Naoh n'ignorait pas que les Mammouths aimaient leurs tiges souterraines, il fit signe à ses compagnons,ils se mirent à arracher les plantes roussies et les portèrent vers la bête colossale il s'approcha des racines , il les connaissait bien, elles étaient à son goût. Puis Naoh décida d'aller voir les Kzams , leur stupeur ne dura guère ils levèrent la hache de pierre la massue et la sagaie Naoh clama, le fils du Léopard est venue à travers la savane, la forêt, les montagnes et la rivière parce que sa tribu est sans Feu, si les Kzams les laissent prendre quelques tisons à leurs foyers il se retirera s'en combattre, voyant qu'il était seul ils ne songèrent qu'à le massacrer l'arme effleura l'épaule de Naoh et retomba à terre, Naoh est plus rapide que les Kzams ,il bondit encore, leva sa hache et sa massue il accepta le combat; atteint en plein crâne, il plia sur ses jarrets et vit tourbillonner la terre, les arbres,  le feu , dans cette seconde mortelle, l'instinct ne l'abandonna pas, une énergie suprême s'éleva du fond de son être, il se ressaisit, il lança sa massue, des os craquèrent, le Kzams croula, son cri se perdit dans la mort . Il prit la cage de Feu , c'était une sorte de nid en écorce, garni de pierres plates,une petite flamme scintillait encore .