Les photos de mon enfance le prouvent nous formions une famille heureuse, nous voici les quatre frère et sœurs serrés autour de Maman, quelle tendresse entre nous ! Au delà des différences qui nous opposaient et des difficultés qui nous fallait affrontées, nos parents nous offrirent en effet la chaleur d'un foyer unie; et ce qui comptait plus que tout à leurs yeux, une éducation à la fois intelligente et rigoureuse. Plus tard , mais très vite , le destin s'est ingénié à brouiller les pistes, qui semblaient si bien tracées , au point de ne rien laisser de cette joie de vivre. Chez nous comme dans tant de familles juives françaises la mort à frappée tôt et fort, aujourd'hui je ne peux m'empêcher de penser avec tristesse que mon père et ma mère n'auront jamais connu la maturité de leurs enfants, la naissance de leurs petits enfants, la douceur d'un cercle familial élargi. Les années 20 furent pour eux celle du bonheur; ils s'étaient mariés en 1922, mon père André Jacobs avait alors trente deux ans et Maman Yvonne Steinmetz onze de moins , mon père est architecte, ma mère irradie de beauté rayonnante qui évoque pour beaucoup celle de la star de l'époque Greta Garbo, un an plus tard naît une première fille Madeleine surnommée Milou, une nouvelle année s'écoule et Denise voit le jour, puis Jean en 1925 et moi en 1927, Maman est heureuse ses enfants remplissent sa vie. Deux ans après leur mariage mes parents avaient quitté la capitale pour s'installer à Nice, Maman ne vécut pas cette transhumance avec joie ,à la demande de son époux, elle avait abandonné des études de chimie qui la passionnait, pour se consacrer à sa maison et à ses enfants; durant les premières années, les affaires de Papa prirent comme il avait prévu, un essor prometteur, il engagea deux dessinateur, un secrétaire et dessina les plans d'une villa à la Ciotat , selon lui la première d'une longue série. Nous vivions à Nice dans un bel immeuble bourgeois. Cette situation faste dura peu, la crise économique, la fameuse crise de 1929, allait sévèrement frapper ma famille comme celle de nombreux français ; les commandes de mon père se ralentirent brutalement, dès 1931 il fallut vendre notre voiture, il fallut emménager dans un appartement plus modeste, moins confortable , à l'âge de cinq ans, ces petites gênes matérielles m'affectaient peu, au contraire, j'ai beaucoup aimé cet appartement, la proximité de la campagne , nous formions mes sœurs et moi un trio parfaitement soudé , un peu plus grande , j'allais volontiers chercher le dictionnaire pour trancher un différend sur le sens du mot, Papa m'installait toujours à sa droite à table, au motif qu'il fallait me surveiller , il estimait que trop souvent je n'en faisait qu'à ma tête , que je me tenais mal, qu'il fallait parfaire mon éducation et que lui seul pouvait compenser le laxisme maternel, il n'appréciait pas mon esprit contestataire. Lorsque je repense à ces années heureuses de l'avant guerre, j'éprouve une profonde nostalgie. La politique, à cette époque entrait à pas feutrés dans ma vie de lycéenne , j'étais en septième lorsque le front populaire remporta les élections en 1936 j'ai conservés des souvenirs précis des premières années de l'Allemagne nationale socialiste et de la montée de l'antisémitisme prévu ou non par les experts, l'offensive allemande se déclencha le 10 mai 1940 à ce moment là tout le monde perdait la tête et la panique qui soufflait sur Paris n'épargnait pas les grandes villes de province, pendant quelques semaines le phénomène de l'exode avait pris une ampleur folle. Les Juifs faisaient désormais l'objet d'une ségrégation administrative parfaitement scandaleuse au pays des droits de l'homme : était "juifs" quiconque possédait trois grands parents juifs, mais seulement deux s'il était lui même marié à un conjoint juif ! ainsi défini, les juifs se voyait interdire toute activité dans le secteur public et la sphère médiatique. Dès 1941 il avait été fait obligation aux Juifs de se déclarer, d'abord les étrangers, nombreux à Nice puis les Français qu'est ce que cela voulait dire ? N'étions nous pas Français aux même titre que les autres ? Cependant comme la presque totalité des familles juives, nous nous sommes pliés à cette formalité, habitué à respecter la loi, d'ailleurs nous n'avions pas à rougir de ce que nous étions.Après la chute de Mussolini dans l'été 1943 les Italiens signèrent une armistice et quittèrent la région, on entra dans la tragédie le 9 septembre 1943 la Gestapo débarquait en force à Nice, avant même les troupes allemandes ; ses services s'installaient à l'Hôtel Excelsior, en plein centre ville, et déclenchait sans coup férir la chasse aux Juifs que les Italiens avaient refusé de mettre en oeuvre, les arrestations massives commencèrent aussitôt ; nos papiers d'identité devaient porter la lettre J. J'ai senti le danger de cette mesure avant le reste de la famille, et voulu m'opposer à ce tampon ; convaincus des dangers mes parents ont alors décidés de faire front en se procurant des fausses cartes d'identités, puis nous nous sommes dispersés, mes parents chez un ancien dessinateur de mon père, Milou et moi logions dans le même immeuble chez d'anciens professeurs , mon frère Jean était hébergé ailleurs par un troisième couple ; avec cette dispersion , munis de fausses cartes d'identités , nous nous imaginions à l'abri, ma sœur continuait à travailler, je poursuivais mes cours au lycée, et n'hésitais pas à sortir en ville avec mes camarades, disons le sans détour : nous étions inconscients. J'ai rendez-vous avec des amis pour fêter la fin des examens, je m'y rendais avec un camarade lorsque soudain , deux Allemands en civil nous arrêtèrent pour contrôle d'identité, et nous conduisit à l'hôtel Excelsior, on me montra une pile de fausses cartes d'identité semblable à la mienne ; j'ai donc fourni une fausse adresse aux Allemands, avant de supplier le camarade non juif qui s’apprêtait à ressortir libre de prévenir ma famille, mais il fut suivi par la Gestapo; le coup de filet fut rapide Maman , Milou et Jean arrivèrent à l'hôtel Excelsior, même si mon frère n'était pas circoncis, nos fausses cartes suffisaient à nous dénoncer comme Juifs. Le 7 avril nous avons donc voyagé pour atteindre Drancy, où convergeaient nous l'avons appris par la suite tout les convois de toute la France ; à notre arrivée nous avons tout de suite compris que nous descendions une nouvelle marche dans la misère et l'inhumanité. Ce qui est certain , c'est que mon père et mon frère sont partis ensemble pour Kaunas , car leurs noms figurent sur les listes ils semblent que tout le monde ait été rapidement assassinés à l'arrivée, du moins si on en croit les témoignages de la quinzaine de survivants revenus de cet enfer, quel fut le sort de mon père et de mon frère ? nous ne l'avons jamais su ! Le 13 avril nous avons embarqué à cinq heures du matin, pour une nouvelle étape dans cette descente aux enfers, à la gare de Bobigny, on nous à fait monter dans des wagons de bestiaux , nous étions effroyablement serrés une soixantaine d'hommes , de femmes, d'enfants, de personnes âgées; le voyage à duré deux jours et demi, le le 13 avril à l'aube au 15 au soir à Auschwitz - Birkenau, c'est une des dates que je n'oublierai jamais, elles demeurent attachées à mon être le plus profond, comme le tatouage du numéro 78651 sur la peau de mon bras gauche; à tout jamais elles sont les traces indélébiles de ce que j'ai vécu .La seule humiliation que nous n'avons pas connu c'est d'avoir la tête rasée ce qui était pourtant la règle à Auschwitz , certain ont imaginé que la Croix rouge avait annoncée une visite, et bien sur personne n'a jamais vu le moindre inspecteur de la Croix rouge à Auschwitz, soixante ans plus, lorsque je pense à la constance avec laquelle la Croix rouge internationale s'est efforcée de légitimer son comportement de l'époque, je reste....à tout le moins perplexe.Au printemps 1944, les autorités du camp avaient décidé de prolonger la rampe de débarquement des convois pour la rapprocher des chambres à gaz, nous portions des pierres et faisions du terrassement , puis les S.S nous ont astreintes à des tâches inutiles porter des rails, creuser des trous, charrier des pierres dont l'objet était de nous affaiblir, un matin, alors que nous sortions du camp pour aller au travail, la Chef de camp, Stenia, ancienne prostitué terriblement dure avec les autre déportées , m'a sorti du rang " Tu es vraiment trop jolie pour mourir ici, je vais faire quelques chose pour toi en t'envoyant ailleurs,oui mais j'ai une mère et une sœur je ne peux pas accepter si elles ne viennent pas avec moi, elle a acquiescé d'accord elles viendront avec toi, en effet , elle tint sa promesse, quelques jours plus tard, nous avons été transférées dans un commando moins dur que les autres, à Bobrek , nous étions moins nombreuses, notre groupe de femmes était caserné dans un grenier au-dessus de l'atelier de l'usine; Maman à commencé à s'affaiblir quand à nouveau on nous à déplacée à soixante kilomètres à pied , nous avons entamé cette longue marche vers la mort, ceux qui tombaient était aussitôt abattu, de Gleirritz , les trains ont commencé à partir dans plusieurs directions, à Bergen Belsen , il n'y avait presque pas de nourriture, pas le moindre soin médical, l'eau elle même faisait défaut, la plupart des canalisations ayant éclatés ; Maman s'est de plus en plus affaibli par la détention, le travail, le voyage épuisant à travers la Pologne, la Tchécoslovaquie ,et l'Allemagne, elle n'a pas tardé à attraper le Typhus, elle est morte le 15 mars, je me rends compte que je n'ai jamais pu me résigner à sa disparition, chaque jour Maman , se tient près de moi et je sais que ce que j'ai accompli dans ma vie l'a été grâce à elle. Début avril, nous avons senti que le dénouement était proche, Milou n'allait pas bien, elle aussi avait contracté le typhus, je la réconfortais du mieux que je pouvais " Ecoute il faut tenir le coup et ne pas se laisser aller nous allons bientôt être libérées. Bergen-Belsen a été libéré le 15 avril , les troupes anglaises ont pris possession du camps; la guerre était finie, mes sœurs et moi étions vivantes, mais comme tant d'autres, la famille Jacob avait payé un lourd tribut à la faveur nazie; tout de suite nos oncles et tantes Weisman nous ont accueillie chez eux, à mon retour des camps j'avais appris que j'avais été reçu aux épreuves du baccalauréat passé la veille de mon arrestation en mars 1944, je me suis inscrite à la faculté de droit, ou j'ai rencontré Antoine qui suivait comme moi des cours de sciences Po, il vivait à Paris depuis sa démobilisation chez une de ses grand-mère; nous nous sommes mariés à l'automne 1946, j'avais dix neuf ans et Antoine vingt ans , notre premier fils Jean est né à la fin de 1947, Nicolas le deuxième treize mois après, Pierre François lui s'est fait plus attendre puisqu'il est né en 1954, afin d'aider notre jeune couple et parce qu'il nous appréciait Michel Boissier à proposé à mon mari un poste d'attaché parlementaire au Conseil de la République. Mon mari ne voulait pas que je travaille, mais par chance il avait rencontré à travers ses différentes relations politique un haut magistrat qui lui avait affirmé " Les femmes ont désormais leur place dans la magistrature" En 1954 l'école de la magistrature n'existait pas, l'accès à la carrière s'effectuait par un concours, à l'issue de deux années de stage , j'avais été reçu au concours et affectée à la direction de l'administration pénitentiaire j'y ai passé sept ans , puis Jean Foyer m'a affectée à la Direction Civiles, puis j'ai accepter le poste moins harassant de secrétaire de Conseil Supérieur de la magistrature auquel m'a nommée le Président Pompidou à sa demande j'ai également été nommée à l'un des postes d'administrateur de l'ORTF chargé de représenté l' Etat; j'étais la première femme à siéger dans ce Conseil d'administration, comme d'ailleurs dans celui de la Fondation de France auquel j'ai été nommée à la même époque . Un soir , alors que nous dînions chez des amis, la maîtresse de maison m'invita à sortir de table, quelqu'un désirait de toute urgence me parler, c'était Jacques Chirac qui me demandai si j'accepterai le cas échéant de faire partie de son gouvernement. C'est ainsi que je me suis retrouvée dès le lendemain ministre de la santé. Ma tâche me paraissait d'autant plus lourde que la profession médicale, dans l'ensemble m'acceptait avec réticence, face à un milieu au conservatisme très marqué, je présentais le triple défaut d'être une femme, d'être favorable à la législation de l'avortement et enfin d'être juive . Du moins pouvais je compter sur l'appui inconditionnel du Président, son Premier ministre en revanche, se montrait plus réservé aux yeux de Jacques Chirac, le pays se trouvait confronté à des problèmes autrement plus urgent que l'IVG. Finalement la loi à été votée dans la nuit du 29 novembre par deux cent quatre vingt voix ; quinze jours plus tard, elle fut voté au Sénat quasiment dans les mêmes termes. Quand je levais les yeux de mes dossiers deux ans après la constitution du gouvernement, je m'apercevais que le climat avait changé; entre Giscard et Chirac une fêlure s'était produite en fin d'année; j'ai ,refusée d'adhérer au RPR, c'est alors que je me suis prise peu à peu à ressentir l'usure du pouvoir. Puis aux élections européennes de juin 1979 ma liste arriva assez loin devant celle du Parti socialiste ; mon premier discours se voulut le plus unitaire possible ; je m'y présentais évidement avec le souhait d'être la présidente de toute l'assemblée et insistais sur les trois défis que nous avions à relever, celui de la paix, celui de la liberté, et celui du progrès social. Dans les années 1980 quand je suis arrivée au Parlement européen, j'imaginais encore une évolution vers un système de type fédéral, aujourd'hui les mentalités ont changés je ne peux constater un attachement croissant des citoyens à leur cadre national et aux facteurs historiques qui ont formé des identités singulières , à cet égard nous vivons un paradoxe, l'Européen d'aujourd'hui voyage beaucoup, l'envie est devenu une réalité dont la plupart se félicite , Internet est entré dans les mœurs et la dimension de la modernisation domine la pensée contemporaine. Cependant les citoyens semblent beaucoup plus attachés à leur identités nationale qu'il y a vingt ans au point que partout se développent des tentations communautarismes s'ils tiennent tant à cette identité, c'est parce qu'ils subissent à jet continu des chocs mondiaux, leurs racines devient une valeur refuge, une protection contre toutes les tragédies que la télévision et internet nous font vivre en temps réel, où qu'elles se produisent .J'ai aimé que le Conseil constitutionnel se préoccupe de la lutte contre les discriminations ; je suis favorable à toutes les mesures de discriminations positives susceptible de réduire les inégalités des chances , les inégalités sociales; les inégalités de rémunérations , les inégalités de promotion dont souffrent les femmes, avec l'âge je suis devenu de plus en plus militante de leur cause ,il est inutile de la proclamer à son de trompe, il est préférable de la pratiquer, nul besoin pour cela d'employer de grands mots, qui ne peuvent qu'ameuter les idéologues de l'égalitarisme républicain, non plus de débattre de quotas sur lesquels personnes ne s'accordera, ici comme ailleurs notre pays s'engage trop volontiers dans des débats théoriques qui portent sur les principes et négligent les réalités de la société, pendant que l'on fait des rond de jambe sur la parité . La politique me passionne mais dès quelle devient politicienne,elle cesse de m'intéresser.
vendredi 30 août 2019
Une vie de Simone Veil
Les photos de mon enfance le prouvent nous formions une famille heureuse, nous voici les quatre frère et sœurs serrés autour de Maman, quelle tendresse entre nous ! Au delà des différences qui nous opposaient et des difficultés qui nous fallait affrontées, nos parents nous offrirent en effet la chaleur d'un foyer unie; et ce qui comptait plus que tout à leurs yeux, une éducation à la fois intelligente et rigoureuse. Plus tard , mais très vite , le destin s'est ingénié à brouiller les pistes, qui semblaient si bien tracées , au point de ne rien laisser de cette joie de vivre. Chez nous comme dans tant de familles juives françaises la mort à frappée tôt et fort, aujourd'hui je ne peux m'empêcher de penser avec tristesse que mon père et ma mère n'auront jamais connu la maturité de leurs enfants, la naissance de leurs petits enfants, la douceur d'un cercle familial élargi. Les années 20 furent pour eux celle du bonheur; ils s'étaient mariés en 1922, mon père André Jacobs avait alors trente deux ans et Maman Yvonne Steinmetz onze de moins , mon père est architecte, ma mère irradie de beauté rayonnante qui évoque pour beaucoup celle de la star de l'époque Greta Garbo, un an plus tard naît une première fille Madeleine surnommée Milou, une nouvelle année s'écoule et Denise voit le jour, puis Jean en 1925 et moi en 1927, Maman est heureuse ses enfants remplissent sa vie. Deux ans après leur mariage mes parents avaient quitté la capitale pour s'installer à Nice, Maman ne vécut pas cette transhumance avec joie ,à la demande de son époux, elle avait abandonné des études de chimie qui la passionnait, pour se consacrer à sa maison et à ses enfants; durant les premières années, les affaires de Papa prirent comme il avait prévu, un essor prometteur, il engagea deux dessinateur, un secrétaire et dessina les plans d'une villa à la Ciotat , selon lui la première d'une longue série. Nous vivions à Nice dans un bel immeuble bourgeois. Cette situation faste dura peu, la crise économique, la fameuse crise de 1929, allait sévèrement frapper ma famille comme celle de nombreux français ; les commandes de mon père se ralentirent brutalement, dès 1931 il fallut vendre notre voiture, il fallut emménager dans un appartement plus modeste, moins confortable , à l'âge de cinq ans, ces petites gênes matérielles m'affectaient peu, au contraire, j'ai beaucoup aimé cet appartement, la proximité de la campagne , nous formions mes sœurs et moi un trio parfaitement soudé , un peu plus grande , j'allais volontiers chercher le dictionnaire pour trancher un différend sur le sens du mot, Papa m'installait toujours à sa droite à table, au motif qu'il fallait me surveiller , il estimait que trop souvent je n'en faisait qu'à ma tête , que je me tenais mal, qu'il fallait parfaire mon éducation et que lui seul pouvait compenser le laxisme maternel, il n'appréciait pas mon esprit contestataire. Lorsque je repense à ces années heureuses de l'avant guerre, j'éprouve une profonde nostalgie. La politique, à cette époque entrait à pas feutrés dans ma vie de lycéenne , j'étais en septième lorsque le front populaire remporta les élections en 1936 j'ai conservés des souvenirs précis des premières années de l'Allemagne nationale socialiste et de la montée de l'antisémitisme prévu ou non par les experts, l'offensive allemande se déclencha le 10 mai 1940 à ce moment là tout le monde perdait la tête et la panique qui soufflait sur Paris n'épargnait pas les grandes villes de province, pendant quelques semaines le phénomène de l'exode avait pris une ampleur folle. Les Juifs faisaient désormais l'objet d'une ségrégation administrative parfaitement scandaleuse au pays des droits de l'homme : était "juifs" quiconque possédait trois grands parents juifs, mais seulement deux s'il était lui même marié à un conjoint juif ! ainsi défini, les juifs se voyait interdire toute activité dans le secteur public et la sphère médiatique. Dès 1941 il avait été fait obligation aux Juifs de se déclarer, d'abord les étrangers, nombreux à Nice puis les Français qu'est ce que cela voulait dire ? N'étions nous pas Français aux même titre que les autres ? Cependant comme la presque totalité des familles juives, nous nous sommes pliés à cette formalité, habitué à respecter la loi, d'ailleurs nous n'avions pas à rougir de ce que nous étions.Après la chute de Mussolini dans l'été 1943 les Italiens signèrent une armistice et quittèrent la région, on entra dans la tragédie le 9 septembre 1943 la Gestapo débarquait en force à Nice, avant même les troupes allemandes ; ses services s'installaient à l'Hôtel Excelsior, en plein centre ville, et déclenchait sans coup férir la chasse aux Juifs que les Italiens avaient refusé de mettre en oeuvre, les arrestations massives commencèrent aussitôt ; nos papiers d'identité devaient porter la lettre J. J'ai senti le danger de cette mesure avant le reste de la famille, et voulu m'opposer à ce tampon ; convaincus des dangers mes parents ont alors décidés de faire front en se procurant des fausses cartes d'identités, puis nous nous sommes dispersés, mes parents chez un ancien dessinateur de mon père, Milou et moi logions dans le même immeuble chez d'anciens professeurs , mon frère Jean était hébergé ailleurs par un troisième couple ; avec cette dispersion , munis de fausses cartes d'identités , nous nous imaginions à l'abri, ma sœur continuait à travailler, je poursuivais mes cours au lycée, et n'hésitais pas à sortir en ville avec mes camarades, disons le sans détour : nous étions inconscients. J'ai rendez-vous avec des amis pour fêter la fin des examens, je m'y rendais avec un camarade lorsque soudain , deux Allemands en civil nous arrêtèrent pour contrôle d'identité, et nous conduisit à l'hôtel Excelsior, on me montra une pile de fausses cartes d'identité semblable à la mienne ; j'ai donc fourni une fausse adresse aux Allemands, avant de supplier le camarade non juif qui s’apprêtait à ressortir libre de prévenir ma famille, mais il fut suivi par la Gestapo; le coup de filet fut rapide Maman , Milou et Jean arrivèrent à l'hôtel Excelsior, même si mon frère n'était pas circoncis, nos fausses cartes suffisaient à nous dénoncer comme Juifs. Le 7 avril nous avons donc voyagé pour atteindre Drancy, où convergeaient nous l'avons appris par la suite tout les convois de toute la France ; à notre arrivée nous avons tout de suite compris que nous descendions une nouvelle marche dans la misère et l'inhumanité. Ce qui est certain , c'est que mon père et mon frère sont partis ensemble pour Kaunas , car leurs noms figurent sur les listes ils semblent que tout le monde ait été rapidement assassinés à l'arrivée, du moins si on en croit les témoignages de la quinzaine de survivants revenus de cet enfer, quel fut le sort de mon père et de mon frère ? nous ne l'avons jamais su ! Le 13 avril nous avons embarqué à cinq heures du matin, pour une nouvelle étape dans cette descente aux enfers, à la gare de Bobigny, on nous à fait monter dans des wagons de bestiaux , nous étions effroyablement serrés une soixantaine d'hommes , de femmes, d'enfants, de personnes âgées; le voyage à duré deux jours et demi, le le 13 avril à l'aube au 15 au soir à Auschwitz - Birkenau, c'est une des dates que je n'oublierai jamais, elles demeurent attachées à mon être le plus profond, comme le tatouage du numéro 78651 sur la peau de mon bras gauche; à tout jamais elles sont les traces indélébiles de ce que j'ai vécu .La seule humiliation que nous n'avons pas connu c'est d'avoir la tête rasée ce qui était pourtant la règle à Auschwitz , certain ont imaginé que la Croix rouge avait annoncée une visite, et bien sur personne n'a jamais vu le moindre inspecteur de la Croix rouge à Auschwitz, soixante ans plus, lorsque je pense à la constance avec laquelle la Croix rouge internationale s'est efforcée de légitimer son comportement de l'époque, je reste....à tout le moins perplexe.Au printemps 1944, les autorités du camp avaient décidé de prolonger la rampe de débarquement des convois pour la rapprocher des chambres à gaz, nous portions des pierres et faisions du terrassement , puis les S.S nous ont astreintes à des tâches inutiles porter des rails, creuser des trous, charrier des pierres dont l'objet était de nous affaiblir, un matin, alors que nous sortions du camp pour aller au travail, la Chef de camp, Stenia, ancienne prostitué terriblement dure avec les autre déportées , m'a sorti du rang " Tu es vraiment trop jolie pour mourir ici, je vais faire quelques chose pour toi en t'envoyant ailleurs,oui mais j'ai une mère et une sœur je ne peux pas accepter si elles ne viennent pas avec moi, elle a acquiescé d'accord elles viendront avec toi, en effet , elle tint sa promesse, quelques jours plus tard, nous avons été transférées dans un commando moins dur que les autres, à Bobrek , nous étions moins nombreuses, notre groupe de femmes était caserné dans un grenier au-dessus de l'atelier de l'usine; Maman à commencé à s'affaiblir quand à nouveau on nous à déplacée à soixante kilomètres à pied , nous avons entamé cette longue marche vers la mort, ceux qui tombaient était aussitôt abattu, de Gleirritz , les trains ont commencé à partir dans plusieurs directions, à Bergen Belsen , il n'y avait presque pas de nourriture, pas le moindre soin médical, l'eau elle même faisait défaut, la plupart des canalisations ayant éclatés ; Maman s'est de plus en plus affaibli par la détention, le travail, le voyage épuisant à travers la Pologne, la Tchécoslovaquie ,et l'Allemagne, elle n'a pas tardé à attraper le Typhus, elle est morte le 15 mars, je me rends compte que je n'ai jamais pu me résigner à sa disparition, chaque jour Maman , se tient près de moi et je sais que ce que j'ai accompli dans ma vie l'a été grâce à elle. Début avril, nous avons senti que le dénouement était proche, Milou n'allait pas bien, elle aussi avait contracté le typhus, je la réconfortais du mieux que je pouvais " Ecoute il faut tenir le coup et ne pas se laisser aller nous allons bientôt être libérées. Bergen-Belsen a été libéré le 15 avril , les troupes anglaises ont pris possession du camps; la guerre était finie, mes sœurs et moi étions vivantes, mais comme tant d'autres, la famille Jacob avait payé un lourd tribut à la faveur nazie; tout de suite nos oncles et tantes Weisman nous ont accueillie chez eux, à mon retour des camps j'avais appris que j'avais été reçu aux épreuves du baccalauréat passé la veille de mon arrestation en mars 1944, je me suis inscrite à la faculté de droit, ou j'ai rencontré Antoine qui suivait comme moi des cours de sciences Po, il vivait à Paris depuis sa démobilisation chez une de ses grand-mère; nous nous sommes mariés à l'automne 1946, j'avais dix neuf ans et Antoine vingt ans , notre premier fils Jean est né à la fin de 1947, Nicolas le deuxième treize mois après, Pierre François lui s'est fait plus attendre puisqu'il est né en 1954, afin d'aider notre jeune couple et parce qu'il nous appréciait Michel Boissier à proposé à mon mari un poste d'attaché parlementaire au Conseil de la République. Mon mari ne voulait pas que je travaille, mais par chance il avait rencontré à travers ses différentes relations politique un haut magistrat qui lui avait affirmé " Les femmes ont désormais leur place dans la magistrature" En 1954 l'école de la magistrature n'existait pas, l'accès à la carrière s'effectuait par un concours, à l'issue de deux années de stage , j'avais été reçu au concours et affectée à la direction de l'administration pénitentiaire j'y ai passé sept ans , puis Jean Foyer m'a affectée à la Direction Civiles, puis j'ai accepter le poste moins harassant de secrétaire de Conseil Supérieur de la magistrature auquel m'a nommée le Président Pompidou à sa demande j'ai également été nommée à l'un des postes d'administrateur de l'ORTF chargé de représenté l' Etat; j'étais la première femme à siéger dans ce Conseil d'administration, comme d'ailleurs dans celui de la Fondation de France auquel j'ai été nommée à la même époque . Un soir , alors que nous dînions chez des amis, la maîtresse de maison m'invita à sortir de table, quelqu'un désirait de toute urgence me parler, c'était Jacques Chirac qui me demandai si j'accepterai le cas échéant de faire partie de son gouvernement. C'est ainsi que je me suis retrouvée dès le lendemain ministre de la santé. Ma tâche me paraissait d'autant plus lourde que la profession médicale, dans l'ensemble m'acceptait avec réticence, face à un milieu au conservatisme très marqué, je présentais le triple défaut d'être une femme, d'être favorable à la législation de l'avortement et enfin d'être juive . Du moins pouvais je compter sur l'appui inconditionnel du Président, son Premier ministre en revanche, se montrait plus réservé aux yeux de Jacques Chirac, le pays se trouvait confronté à des problèmes autrement plus urgent que l'IVG. Finalement la loi à été votée dans la nuit du 29 novembre par deux cent quatre vingt voix ; quinze jours plus tard, elle fut voté au Sénat quasiment dans les mêmes termes. Quand je levais les yeux de mes dossiers deux ans après la constitution du gouvernement, je m'apercevais que le climat avait changé; entre Giscard et Chirac une fêlure s'était produite en fin d'année; j'ai ,refusée d'adhérer au RPR, c'est alors que je me suis prise peu à peu à ressentir l'usure du pouvoir. Puis aux élections européennes de juin 1979 ma liste arriva assez loin devant celle du Parti socialiste ; mon premier discours se voulut le plus unitaire possible ; je m'y présentais évidement avec le souhait d'être la présidente de toute l'assemblée et insistais sur les trois défis que nous avions à relever, celui de la paix, celui de la liberté, et celui du progrès social. Dans les années 1980 quand je suis arrivée au Parlement européen, j'imaginais encore une évolution vers un système de type fédéral, aujourd'hui les mentalités ont changés je ne peux constater un attachement croissant des citoyens à leur cadre national et aux facteurs historiques qui ont formé des identités singulières , à cet égard nous vivons un paradoxe, l'Européen d'aujourd'hui voyage beaucoup, l'envie est devenu une réalité dont la plupart se félicite , Internet est entré dans les mœurs et la dimension de la modernisation domine la pensée contemporaine. Cependant les citoyens semblent beaucoup plus attachés à leur identités nationale qu'il y a vingt ans au point que partout se développent des tentations communautarismes s'ils tiennent tant à cette identité, c'est parce qu'ils subissent à jet continu des chocs mondiaux, leurs racines devient une valeur refuge, une protection contre toutes les tragédies que la télévision et internet nous font vivre en temps réel, où qu'elles se produisent .J'ai aimé que le Conseil constitutionnel se préoccupe de la lutte contre les discriminations ; je suis favorable à toutes les mesures de discriminations positives susceptible de réduire les inégalités des chances , les inégalités sociales; les inégalités de rémunérations , les inégalités de promotion dont souffrent les femmes, avec l'âge je suis devenu de plus en plus militante de leur cause ,il est inutile de la proclamer à son de trompe, il est préférable de la pratiquer, nul besoin pour cela d'employer de grands mots, qui ne peuvent qu'ameuter les idéologues de l'égalitarisme républicain, non plus de débattre de quotas sur lesquels personnes ne s'accordera, ici comme ailleurs notre pays s'engage trop volontiers dans des débats théoriques qui portent sur les principes et négligent les réalités de la société, pendant que l'on fait des rond de jambe sur la parité . La politique me passionne mais dès quelle devient politicienne,elle cesse de m'intéresser.
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