Gilles, journaliste parisien,à trente cinq ans, il était encore beau. Cet "encore"tenait au fait qu'il avait été d'une beauté rare à vingt ans, beauté dont il n'avait jamais eu conscience d'ailleurs mais dont il s'était joyeusement servi et qui avait indistinctement fait envie longtemps aux femmes comme aux hommes ces derniers en vain. Quinze ans plus tard, il était plus maigre, plus mâle, mais avec quelques chose encore dans sa démarche, ses gestes de l'adolescents triomphant qu'il avait été. Jean qui l'avait follement aimé, en ce temps là, sans le lui dire et sans d'ailleurs se le dire à lui même,eut un petit choc au coeur en le voyant entrer dans son bureau. Cette maigreur, ces yeux bleus, ces cheveux noirs un peu longs, cette nervosité, il devenait de plus en plus nerveux, Jean écrasa sa cigarette à demi consumée dans le cendrier, s'assit et croisa les mains, il fixa Gilles une seconde toussa et dit sobrement. "Alors ? " "Alors quoi dit Gilles" "Alors ça ne vas pas n'est ce pas? Non, Depuis un mois ou deux hein ? Trois cela fait trois mois que je vis mal . Raisons précises ? demanda Jean . Aucune. Rien je n'ai rien, je n'ai plus envie de rien, c'est tout. Voilà reprit il avec effort. Je n'ai plus envie de travailler, je n'ai plu envie de faire l'amour, je n'ai plus envie de bouger; ma seule envie, c'est de passer mes journées seul dans mon lit, les draps sur ma tête, J'ai envie de me tuer le soir à neuf heures, le lit me semble sale, ma propre odeur m'exaspère, tu trouve ça normal toi ? Et Eloise ? elle ne me supporte plus, de plus je suis impuissant . Viens on vas se balader . Ils sortirent Paris était ravissant bleu à pleurer en ce début de printemps. Il était blessé, mais du moins cette blessure avait-elle un visage. Et si on partait ? dit Jean On se trouverait bien un reportage à faire quelques part, quinze jours ? Je n'ai pas envie dit Gilles. Je vais te dire ce que tu as, dit la voix de Jean près de lui, une voix apaisante, insupportable. Tu es fatigué, tu ...Tu ne vas pas me dire ce que j'ai, hurla Gilles brusquement au milieu de la rue, les gens les regardaient et il rougit soudain puis se détourna et partit très vite vers les quais sans dire au revoir . Eloise l'attendait ; elle était mannequin dans une maison de couture , elle s'était installer chez lui deux ans auparavant , un soir que le souvenir de Maria le faisait trop souffrir et qui ne supportait plus la solitude. Bonne journée ? Très! Et toi ? Moi aussi . Nicolas a téléphoné, il demande si on veut le rejoindre au Club ce soir, on verra, dit-il je viens de rentrer; Le téléphone sonna et il ne bougea pas. Il y avait eu un temps où il bondissait vers le téléphone c'était l'amour ou la fortune ou l'aventure qui l'appelait, mais maintenant c'était Eloise qui décrochait. Elle cria de la chambre c'est pour toi, c'est Jean. C'est toi Gilles? ça vas? Oui dit-il La voix de Jean était chaleureuse , inquiète, une vrai voix d'ami. Gilles s'émut. Je suis désolé pour ce matin, on en parlera demain dit Jean.Le médecin était intelligent et cela n'arrangeait rien. Il avait ausculté les poumons de Gilles,écouté son coeur, posé des questions banales avec l'air excédé de l'homme qui ne s'illusionne pas sur ses propres manigances . A présent Gilles était assit en face de lui, dans un grand fauteuil Louis XIII et il le regardait fixement , avec le vague espoir que cette assurance, cette résolution ne cachait pas une totale impuissance à le guérir. Vous souffrez de cette atonie généralisée qu'on appelle dépression. C'est mental, c'est sexuel etc... Je peux vous envoyer à un psychiatre , si vous voulez, quelques fois ça marche, quelques fois pas. Il alla voir Gilda , elle devait être chez elle , elle était toujours là prête pour les plaisirs des autres, elle était entretenue depuis des années,à quarante huit ans , elle était superbe,elle accueillit Gilles avec milles tendresses et milles reproches, elle revenait des Bahamas, elle avait un nouvel amant de dix neuf ans avec qui elle jouait mais la soeur lui plaisait bien aussi, au bout de dix minutes, elle s'arrêta, le considéra gravement toi tu nous couve quelque chose ! Je viens de voir un médecin. Toi qu'est ce que tu as ? J'ai le cafard ! Ah une dépression, tu te rappelle dans quel état j'étais en soixante deux, Gilles écouta donc le récit de la dépression de Gilda qui s'était terminer miraculeusement un beau matin à Capri semblait-il , tu pense que toi c'est pas pareil et bien tu te trompe, tu te réveilleras un beau matin gai comme un pinson, comme avant ou tu te tirera une balle dans la tête ; elle lui parlait tendrement la main sur son genou, son beau corps incliné vers lui et il s'étonnait de ne pas la désirée il n'avait qu'une idée ,c'était de ne pas bouger, de ne pas se rejeter dans Paris, à la recherche d'un taxi à sept heures du soir, au milieu d'une foule pressée .Lorsqu'il rentra chez lui il trouva Jean et son ami Marthe je suis ici parce que Eloise s'inquiétait elle te savait chez le docteur et n'avait pas de nouvelles depuis quatre heures, tu es nerveux et fatigué , déprimé comme les neuf dixièmes de la population parisienne. Tu devrais changer d'air Ah, ah le journal va m'offrir une croisière aux Bahamas? Tu vas en parler au boss? Il riait, riait à perdre haleine il riait trop, il ne pouvait pas articuler un son..;il gémissait de rire Arrête , disait Jean, arrête Il ne savait même pas pourquoi il avait ri. Pas plus qu'il ne savait, à présent pourquoi des larmes chaudes ,douces ,intarissables inondaient son visage.Gilles se repose chez sa soeur et son beau frère dans le Limousin à la campagne , il avait décidé de partir , le lendemain de cette pénible journée .Gilles pêchait ou plus exactement il regardait avec nonchalance Florent . Il va rencontrer Nathalie une ami que lui présente sa soeur et il tombe amoureux de cette femme marié ils sont envahies par la passion et décident de vivre ensemble et de revenir sur Paris . Nathalie va laisser tout derrière elle son passé , son enfance, ses amis sa famille Mais les vieux démons de Gilles resurgissent et il traîne à nouveau dans les bars, les clubs après son travail et Nathalie va être retrouvé dans une chambre d'hôtel et sa tentative de suicide lui sera fatale.
Inconnue, elle était ma forme préférée,
Celle qui m'enlevait le souci d'être un homme,
Et je la vois et je la perds et je subis
Ma douleur, comme un peu de soleil dans l'eau froide.
Paul Eluard
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